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le kalevala

Hiisi, aux naseaux écumants, ouvrit sa bouche d’or au mors d’or, plia sa tête d’argent sous le licou d’argent ; et le joyeux Lemmikäinen les consolida fortement, et s’élança sur le dos du superbe animal.

Puis, il fit claquer son fouet, et partit avec fracas pour son petit voyage. Il franchit la haute montagne, tourna au nord les cimes de neige, et arriva aux demeures de la sombre Pohjola, à la maison de l’austère belle-mère. Là, il dit : « J’ai mis le mors au grand coursier, j’ai bridé le poulain de Hiisi, au milieu de la plaine verdoyante, du champ sacré ; j’ai captivé aussi l’élan de Hiisi par delà les champs de Hiisi. Ô vieille, donne-moi ta fille, donne-moi la jeune fiancée ! »

Louhi, la mère de famille de Pohjola, dit : « Je ne te donnerai ma fille, je ne te donnerai la jeune fiancée que lorsque tu auras tué d’un seul coup, d’une seule flèche, le cygne du torrent sauvage, le bel oiseau du fleuve de Tuoni[1], aux ondes noires. »

Le joyeux Lemmikäinen, le beau Kaukomieli, se rendit à l’endroit où nageait le cygne, où le long cou prenait ses ébats, près du fleuve de Tuoni, aux ondes noires, des abîmes profonds de Manala[2].

Il s’avançait d’un pas ferme, l’arc rapide suspendu à son épaule, le carquois plein de flèches suspendu sur son dos.

Le berger, au chapeau humide, le vieil aveugle de Pohja, se tenait sur les bords du fleuve de Tuoni, près du tourbillon du fleuve sacré, regardant autour de lui, et épiant l’arrivée de Lemmikäinen.

Bientôt, il le vit approcher. Alors, il tira du fond des eaux un serpent monstrueux, et il l’envoya à travers le cœur du héros, le foie de Lemmikäinen, de manière à ce qu’il le transperçât de l’aisselle gauche à l’épaule droite.

Le joyeux Lemmikäinen se sentit mortellement atteint,

  1. Dieu de la Mort, souverain des sombres abîmes.
  2. Voir page 38, note 2.