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le kalevala

Les belles vierges de l’air, les filles bien-aimées de la nature prêtèrent aussi une oreille attentive et charmée à la voix du grand héros, aux sons du magique instrument ; elles étaient assises, gracieuses et rayonnantes, les unes sur l’arc-en-ciel, les autres sur le bord d’une légère nuée frangée de pourpre.

Kuutar, la fille splendide de la lune, Päivätär, la fille glorieuse du soleil, trônaient sur un rouge nuage, agitant bruyamment leur navette et tissant un tissu d’or, un tissu d’argent. Les accords du kantele, du bel instrument, montèrent jusqu’à elles ; et, soudain, la navette tomba de leurs mains, les fils d’or de leur tissu se brisèrent, leur métier d’argent vola en éclats.

Il ne se rencontra pas un être sur la terre, pas un être au fond des eaux, pas un poisson armé de six nageoires, qui n’accoururent pour écouter les sons du kantele, pour admirer les runot de la joie.

Les brochets fendirent rapidement les ondes, les chiens de mer oublièrent leur lourdeur, les saumons quittèrent le creux des rochers, les truites leurs demeures profondes, les petites roses de mer, les perches, les ablettes, les saumons blancs, tous les poissons s’élancèrent en foule vers le rivage, pour écouter les chants de Wäinämöinen, pour jouir des accords du kantele.

Ahto[1], le roi des vagues bleues, l’ancien des eaux, à la barbe de gazon, s’éleva au-dessus de la voûte humide et s’étendit sur un lit de nénuphar. Il prêta l’oreille aux runot de la joie, et il dit : « Jamais je n’ai rien entendu de semblable ; jamais, dans tous les jours de ma vie, Je n’ai entendu des accents pareils à ceux de Wäinämöinen, à ceux du runoia éternel. »


    « Sirkkuja satalukuisin,
    « Leivoja liki tuhatta
    « Ilmassa ihastelivat,
    « Hartioilla haastelivat
    « Tehessa isan iloa,
    « Soitellessa Wainämöisen. »

  1. Voir page 44, note 2.