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trente-sixième runo

bruyamment dans l’étable. La neige se fondra sur les chemins de glace, les chemins eux-mêmes disparaîtront, mais, le gazon germera de mes larmes, et dans le gazon bruiront les ruisseaux.

« Quand je n’oserai pleurer, quand je n’oserai me lamenter à haute voix dans les lieux que fréquentent les hommes, je me retirerai en secret dans ma chambre de bain, et là j’inonderai l’étuve de mes larmes, je couvrirai la couche de bois[1] de leurs flots[2]. »

Kullervo, fils de Kalervo, Kullervo, le jeune homme aux bas bleus, partit alors pour la guerre, pour les jeux sanglants des combats. Il traversa les plaines et les marais, les bruyères nues et les champs de verdure, soufflant dans sa corne de berger, et éveillant tous les échos, au bruit retentissant de ses accords.

Un messager courut après lui, un messager murmura à ses oreilles : « Déjà ton père est mort, ton bon père dort son dernier sommeil. Retourne vite sur tes pas, et viens voir toi-même comment il doit être enterré ! »

Kullervo, fils de Kalervo, répondit d’un air insouciant : « S’il est mort, cela m’importe peu. On trouvera bien un étalon[3] à la maison pour le conduire au tombeau, pour le transporter dans le sein de Kalma[4]. »

Et il recommença à sonner du cor, et il continua sa route à travers les marais et les forêts défrichées par le feu.

Un messager courut après lui, un messager murmura à ses oreilles : « Déjà ton frère est mort, ton frère dort son dernier sommeil. Retourne vite sur tes pas, et viens voir toi-même comment il doit être enterré ! »

  1. Lit sur lequel on s’étend en prenant le bain de vapeur.
  2. Comme les sentiments de la mère contrastent ici avec ceux des autres membres de la famille ! La poésie finnoise comprend admirablement la nature.
  3. Dans les villages finnois, on charge souvent le cercueil des morts sur un cheval pour les conduire au cimetière.
  4. Voir page 73, note 1.