Page:Léouzon le Duc - Le Kalevala, 1867.djvu/396

Cette page a été validée par deux contributeurs.
338
le kalevala

vie est douce pour cette femme : elle se coupe des tranches de pain de froment, elle se nourrit de gâteaux grassement frottés de beurre. Le berger, au contraire, n’a à ronger que du pain sec, de la croûte dure ; parfois même, il doit se contenter d’une galette d’orge mêlée de son, de paille ou d’écorce de bouleau[1]. S’il a soif, il exprime l’eau de la vase des marais, ou de la motte de gazon des prairies.

« Ô soleil, incline à l’occident ton orbe splendide ; jour divin, précipite ta course, descends dans les profondeurs des bois de sapin, des bouquets de bruyères, des humbles aulnes ; ramène, enfin, le berger à la maison du maître, afin qu’il y goûte le beurre délicieux, qu’il y mange le pain frais, qu’il y savoure le gâteau encore chaud ! »

Mais, tandis que le berger se lamentait, tandis que le fils de Kalervo chantait ses tristes chants, la femme d’Ilmarinen avait déjà goûté le beurre délicieux, mangé le pain frais, savouré le gâteau encore chaud. Et elle prépara pour le berger une bouillie à l’eau, un plat de choux froids, dont ses chiens avaient léché la graisse, dont Musti[2] avait fait son dîner, dont Merkki[3] s’était rassasié, dont Halli[4] avait rempli son ventre.

Le serin chanta du fond des bocages verts, le gracieux oiseau fit entendre sa voix du fond des buissons :

« Il serait temps que l’esclave prît sa nourriture, que l’orphelin donnât satisfaction à sa faim ! »

Kullervo, fils de Kalervo, regardait s’allonger l’ombre du soir. Il prit la parole et il dit :

« Oui, il serait temps de manger, de commencer son repas, de voir ce qu’il y a au fond de cette besace ! »

Et il conduisit son troupeau au milieu des bruyères pour qu’il pût s’y reposer. Puis il s’assit sur une touffe de frais gazon ; il détacha sa besace de son épaule et en

  1. Voir page 225, note 1.
  2. Nom de chien.
  3. Nom de chien.
  4. Nom de chien.