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trente-deuxième runo

mousses et les bruyères, les landes et les marais, et garde-toi d’y toucher, si légèrement que ce soit !

« Rappelle-toi le serment que tu as fait jadis, près du torrent de Tuonela[1], de la cataracte mugissante de Kynsi, aux pieds du grand Jumala ! Il te fut permis alors de visiter deux fois, pendant l’été, les lieux où résonnent les clochettes, mais non d’y commettre le mal et de t’y signaler par une œuvre honteuse !

« Si la rage s’empare de toi, si tes dents aspirent à dévorer, va exercer tes ravages dans les bois, au milieu des bouleaux et des sapins ; arrache les jeunes arbrisseaux, les tendres plantes, les frais rameaux chargés de baies !

« Et s’il te faut rassasier ta faim, mange les champignons sauvages, dévaste les nids de fourmis, ronge les racines des roseaux, les blocs de miel de Metsola, mais épargne mes pâturages, épargne l’herbe destinée à nourrir mon troupeau !

« Les vastes chaudières d’hydromel de Metsola ont cessé de fermenter sur les collines d’or, sur les montagnes d’argent. Là, il y a de quoi assouvir le vorace, sans que la nourriture vienne jamais à manquer, sans que le breuvage diminue.

« Ainsi donc, c’est entre nous un pacte, un traité de paix éternel. Nous vivrons en parfait accord pendant tout l’été, nous aurons les mêmes champs à fréquenter ; seulement, nos provisions de voyage seront différentes.

« Si ton instinct te pousse au combat, si tu veux vivre absolument en guerre, eh bien ! nous nous battrons pendant l’hiver, alors que la neige couvrira au loin les plaines. Mais, dès que l’été renaîtra, que les bruyères fleuriront, que les ruisseaux feront entendre leur frais murmure, garde-toi, oui, garde-toi d’approcher de mes pâturages, de ces champs où j’aurai conduit mon troupeau !

  1. Voir page 38, note 3.