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le kalevala

Et le héros se rendit auprès de sa mère, et il lui dit : « Ô ma bonne mère, ô toi qui m’as engendré, tu ne devras point verser de larmes, tu ne devras point gémir, lors même que je viendrais à te quitter, que je partirais pour la guerre. Un projet a été conçu dans mon esprit, une résolution a surgi dans mon cerveau ; je veux exterminer la race de Pohjola, je veux tirer vengeance des maux horribles dont elle nous a accablés. »

La mère de Lemminkäinen chercha à le dissuader de son projet, elle s’efforça de le faire renoncer à sa résolution : « Non, mon fils, ne va point au pays de Pohjola, le malheur y fondra sur toi, tu y rencontreras la mort. »

Lemminkäinen s’inquiéta peu de ce conseil ; il ne s’en obstina pas moins à partir, et il dit : « Où trouverai-je, maintenant, un autre homme, un autre homme avec un autre glaive, pour accompagner Ahti dans la guerre, pour fortifier le fort ?

« Je connais déjà Tiera, je sais la renommée de Kuura ; peut-être trouverai-je en lui un autre homme, un autre homme avec un autre glaive, pour accompagner Ahti dans la guerre, pour fortifier le fort. »

Et il s’en alla de village en village, cherchant la maison de Tiera ; et, quand il y fut arrivé, il dit : « Ô Tiera, toi qui m’es si bien connu, toi, mon cher, mon unique ami, te souvient-il encore de nos anciens jours, de notre vie d’autrefois, alors que nous allions ensemble au milieu des grandes batailles ? Il n’existait pas un village dans lequel se trouvaient dix maisons, pas une maison dans laquelle se trouvaient dix guerriers, pas un guerrier, pas un seul héros que nous n’ayons attaqués ensemble, que nous n’ayons détruits et exterminés. »

Le père était assis près de la fenêtre, taillant le manche de sa hache, la mère se tenait sur le seuil de l’aitta[1], battant le beurre, le frère était à l’entrée du chemin,

  1. Voir page 3, note 5.