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Mais, pour cette construction, les poutres et les planches lui manquaient ; il n’en avait qu’une petite quantité insignifiante : cinq fragments d’un vieux fuseau, six morceaux d’une vieille quenouille.

Il construisit son nouveau navire avec le secours des formules magiques ; en trois coups, il fut achevé de toutes pièces.

Lemmninkäinen le lança à la mer, et il éleva la voix et il lui dit : « Ô bateau, vogue sur l’onde comme une feuille légère, vogue sur les flots comme une fleur de nénuphar ! Et toi, ô aigle, donne trois de tes plumes, et toi, ô corbeau, donnes-en deux pour servir de soutien à la petite nef, pour attacher des ailes à ses flancs ! »

Puis, il monta dans son navire et s’assit à l’arrière. Il avait la tête basse, le cœur triste, le bonnet incliné de côté[1], car il ne pouvait plus passer les nuits, il ne pouvait plus couler les jours au milieu des jeux bruyants des jeunes filles, des gaies réunions des belles vierges.

Le joyeux Lemminkäinen, le beau Kaukomieli dit : « Le pauvre garçon s’en va loin de cette île, loin des jeux bruyants de ces jeunes filles, des gaies réunions de ces belles vierges ; mais, tandis que je suivrai ma route, il en est peu, parmi elles, qui joueront, qui babilleront avec joie dans leurs maisons solitaires, dans l’enceinte de leurs tristes demeures. »

Les jeunes filles de l’île, les vierges du promontoire lui dirent en pleurant : « Pourquoi pars-tu, ô Lemminkainen, pourquoi nous quittes-tu, ô héros bien-aimé ? Est-ce à cause de la chasteté des jeunes filles, ou à cause du petit nombre des femmes ? »

Le joyeux Lemminkäinen dit, le beau Kaukomieli répondit : « Non, je ne pars point à cause de la chasteté des jeunes filles, à cause du petit nombre des femmes ; je pourrais en trouver facilement cent, je pourrais

  1. Voir page 87, note 1.