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le kalevala

Écoute-moi, père de famille de Pohjola ! As-tu dans cette maison de l’orge pour mon cheval ? As-tu de la bière pour le héros ? »

Le père de famille de Pohjola, assis au bout de la longue table, répondit : « Il y aurait ici, peut-être, assez de place pour loger ton cheval, et l’on ne refuserait pas de l’y recevoir toi-même si tu voulais te tenir tranquille dans la chambre, si tu voulais rester près de la porte[1], sous la poutre du seuil, entre deux chaudières, dans le voisinage de trois crochets[2]. »

Le joyeux Lemminkäinen secoua sa chevelure noire comme un chaudron, et dit : « Que Lempo[3] vienne, si cela lui convient, se tenir ici, près de la porte, se souiller de votre poussière, se vautrer parmi la suie. Ni mon père, ni mon grand-père n’ont jadis occupé une pareille place ; ils trouvaient toujours une bonne écurie pour leur cheval, une chambre propre et commode pour eux, des murs garnis de clous pour y attacher leurs gants et leurs mouffles, pour y suspendre leur glaive. Pourquoi donc ne me traiterait-on pas comme était traité mon père ? »

Et Lemminkäinen s’avança au milieu de la chambre ; il se dirigea vers l’extrémité de la table et s’assit au bout du banc. Le banc trembla à son approche, le siége de sapin frissonna.

Le joyeux Lemminkäinen dit : « Je vois bien que je ne suis point un hôte agréable, car on n’offre point de bière à l’étranger. »

Ipotar, la bonne hôtesse, répondit : « Ô fils de Lemminkäinen, quelle joie peut nous causer ton arrivée ? Tu viens ici pour me casser la tête, pour me broyer le cerveau. La bière est encore chez nous à l’état d’orge, la douce boisson est encore à l’état de malt. Le pain n’est

  1. C’est la place la plus humble, la place des mendiants.
  2. Dans toutes les maisons finnoises, les gros ustensiles de ménage sont suspendus près de la porte.
  3. Voir page 41, note 3.