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vingt-quatrième runo

si magnifiquement, où j’ai passé les années de ma florissante jeunesse, la douce enfance de ma vie.

« Jamais, aux jours d’autrefois, je n’avais pensé, je n’avais cru qu’il viendrait un temps où je devrais quitter les alentours de ce château, les cimes de cette colline[1] ; et, maintenant, voilà que j’y pense, voilà que j’y crois, lorsque ce temps est déjà venu ! Oui, déjà, la coupe des adieux est vidée, la bière de la séparation est bue ; le traîneau, le beau traîneau m’attend, l’avant tourné vers la route, l’arrière vers la maison, l’un des côtés vers la vaste grange, l’autre vers l’étable.

« Et, en quittant cette maison, comment pourrai-je payer le lait de ma mère, la bonté de mon père, l’amitié de mon frère, la douce affection de ma sœur ?

« Merci, ô mon père, pour la nourriture que tu m’as donnée, pour tous les repas que tu m’as servis, pour les morceaux délicats que tu m’as fait goûter !

« Merci, ô ma mère, pour la vie que j’ai puisée dans ton sein, pour la tendresse dont tu as entouré mon enfance, pour les soins que tu as prodigués à ma jeunesse !

« Merci, ô mon frère, merci, ô ma sœur, merci aussi, à vous tous, ô mes parents, ô mes compagnons d’enfance, vous, au milieu desquels j’ai vécu mes plus beaux jours, mes années les plus florissantes !

« Garde-toi, ô mon bon père, garde-toi, ô ma douce mère, gardez-vous, ô mes parents, ô mes amis, de vous attrister, de gémir amèrement parce que je pars pour un autre pays, parce que je vais errer à travers le monde ! Le soleil de Jumala, la lune du Créateur, les astres et les étoiles du ciel brillent plus loin dans l’espace, ils éclairent encore d’autres terres, et non pas seulement la maison de mon père, le toit de mon enfance.

« Maintenant, je quitte, exilée, cette maison d’or, cette maison qu’a bâtie mon père et que ma mère a rendue célèbre pour son hospitalité ; j’abandonne mes champs et

  1. Voir page 65, note 2.