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vingt-quatrième runo

année par le signe des yeux, la troisième année en lui marchant doucement sur le pied[1].

« Si elle se montre indocile, si elle résiste à tes leçons, prends une tige de roseau ou de prêle, une tige de carex, et sers-t’en pour l’avertir, pour l’inviter à s’amender, durant une quatrième année ; ne la frappe pas encore avec le fouet, ne la corrige point avec les verges !

« Si elle ne s’amende point, si elle persiste dans sa désobéissance, coupe une verge d’osier dans le bois, une branche de bouleau dans la vallée, et cache-la sous ta pelisse, de manière à ce qu’aucun étranger ne la voie. Montre-la à la jeune fille, mais borne-toi à la menacer. et abstiens-toi de la frapper !

« Si elle ne tient aucun compte de tes menaces, si elle s’obstine encore à méconnaître tes avertissements, alors corrige-la avec la verge d’osier, avec la branche de bouleau. Mais, donne-lui cette leçon entre les quatre murs de la chambre, dans l’intérieur de la maison, et non au milieu de la prairie, au milieu du champ, car le bruit, car les pleurs de la jeune fille pourraient être entendus des habitations voisines et jusqu’au fond des bois.

« Et tandis que tu la corrigeras, effleure-lui seulement les épaules, assouplis-lui le dos ; mais garde-toi de la frapper sur les yeux ou sur les oreilles, car une tumeur, une tache bleue y surgiraient ; et le beau-frère, et les laboureurs, et les jeunes filles du village la regarderaient avec étonnement, et diraient : « Est-elle donc allée à la guerre, s’est-elle donc trouvée au milieu d’une bataille ? Ou bien a-t-elle été mordue par le loup, déchirée par l’ours ? Ou bien encore, a-t-elle pour fiancé un loup, pour époux un ours ? »

Il était un vieillard sur la plate-forme de la cheminée, un pauvre vagabond dans la soupente du foyer[2] ; le

  1. Quoi de plus charmant que cette discrétion recommandée à l’époux lorsqu’il s’agit de reprendre et de corriger sa jeune femme ! Toute cette runo est remplie d’une exquise délicatesse.
  2. Voir page 66, note 1.