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LE KALEVALA

grins, dans les bois que des tourments ; les coffres étaient remplis de haine, et, au lieu d’argent, on ne me donna, on ne me laissa espérer que de dures paroles[1].

« Cependant, je ne perdis point courage ; je me soumis à mon sort, comptant ainsi me concilier l’estime et l’affection. J’allumai le feu dans la chambre, j’allai chercher des éclats de bois[2], heurtant mon front, heurtant ma tête contre les portes ; mais aux portes je ne rencontrai que des regards farouches et haineux ; je les rencontrai de même près de la cheminée, et sur le plancher, et dans toute l’étendue de la chambre. Le feu jaillissait de la bouche, la flamme grondait sous la langue de mon dur, de mon impitoyable maître.

« Je ne me laissai point abattre encore ; je me résignai à vivre ainsi, cherchant à captiver les bonnes grâces, et me conduisant en tout comme un humble et docile élève. Je courais avec les pieds du lièvre, je bondissais avec la légèreté de l’hermine ; je me couchais tard, je me levais avant l’aurore ; mais, malgré tous mes efforts, je ne parvins pas à gagner la considération, à recueillir des preuves d’amour ; je n’y serais point parvenue, lors même que j’eusse secoué les montagnes, mis en pièces les rochers.

« C’est en vain que je travaillais à moudre du grain en abondance, que je me consumais à le broyer, pour qu’il fût mangé par ma cruelle belle-mère, dévoré par sa

  1. L’original est singulièrement expressif ; j’ai cherché autant que possible à le traduire fidèlement.

    « Tupa oli Kuuella tuella,
    « Scitsemällå seipahällå,
    « Ahot täynnå armotuutta,
    « Lehot tåynnä lemmetyyttå,
    « Kujat Kurjan huoliani,
    « Metsåt mieliä pahoja,
    « Purnut puitua vihoa,
    « Toiset purnut puimatointa,
    « Sata saatuja sanoja,
    « Sata toinen saatavia. »

  2. Pärtet, voir page 90, note 1.