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vingt-troisième runo

nourris-le de tes paroles, tandis que l’on préparera son repas !

« Et quand il quittera la maison, quand il prendra congé de toi, garde-toi de le reconduire au delà de la porte, de peur que ton époux, que ton beau fiancé n’en soit irrité !

« Si, parfois, il te prend envie de faire une visite dans le village, ne sors point avant d’en avoir obtenu la permission. Et quand tu seras dans une maison étrangère, montre-toi circonspecte dans tes paroles ; ne blâme point ce qui se passe sous ton propre toit, ne décrie point ta belle-mère.

« Si les jeunes femmes du village ou d’autres lieux t’adressent cette question : « Ta belle-mère te donne-t-elle du beurre aussi généreusement que ta mère t’en donnait autrefois ? » Réponds toujours affirmativement, lors même que tu n’en aurais reçu qu’une seule fois dans tout l’été, et que ce beurre datât déjà du précédent hiver !

« Écoute-moi, tandis que je te parle, écoute mes derniers conseils ! En quittant cette maison, pour aller dans une autre demeure, n’oublie point ta mère, ne méprise point ta nourrice, car c’est ta mère qui t’a donné le jour, qui t’a nourrie du lait de son beau sein, de la substance de sa propre chair. Combien de nuits n’a-t-elle point passées sans sommeil, combien de repas n’a-t-elle point oubliés, lorsqu’elle te berçait, lorsqu’elle prenait soin de son petit enfant !

« Celle qui oublie sa mère, qui méprise sa nourrice n’ira point à Manala[1], ne descendra point dans Tuonela[2], avec une bonne conscience. Un juste, un dur châtiment l’y attend. Les filles de Tuoni la maudiront, les vierges de Mana l’accableront de leur colère : « Comment as-tu pu oublier ta mère, mépriser ta nourrice,

  1. Voir page 38, note 2.
  2. Voir page 38, note 3.