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LE KALEVALA

maison de bain, avec un paquet de feuillage desséché sous le bras[1].

« Pleure, oui, pleure, ô jeune fiancée, verse des larmes vraiment amères ! Si tu ne pleures pas quand c’est le moment de pleurer, tu ne pleureras que trop quand tu reviendras ici, quand tu visiteras de nouveau la maison de ta mère, car tu trouveras ta vieille mère étouffée dans l’étable, morte, avec un lourd fardeau sur les bras.

« Pleure, oui pleure, ô jeune fiancée, verse des larmes vraiment amères ! Si tu ne pleures pas quand c’est le moment de pleurer, tu ne pleureras que trop quand tu reviendras ici, quand tu visiteras de nouveau cette maison, car tu trouveras ton frère à la florissante jeunesse inanimé sur la route, mort dans l’enceinte de l’habitation.

« Pleure, oui, pleure, ô jeune fiancée[2], verse des larmes vraiment amères ! Si tu ne pleures pas quand c’est le moment de pleurer, tu ne pleureras que trop quand tu reviendras ici, quand tu visiteras de nouveau cette maison, car tu trouveras ta sœur bien-aimée étendue morte sur la route de la lessive, avec son battoir sous le bras. »

La jeune fille soupira, la pauvre jeune fille exhala ses soupirs ; et elle commença à pleurer, à fondre en larmes. Elle versa de longues larmes, elle versa, plein le creux de sa main, des ondes de sa douleur, sur la maison de son père ; elle versa des lacs sur le seuil de celui qui l’avait élevée, puis elle dit : « Ah ! mes chères sœurs, mes égales d’autrefois, mes compagnes de jeunesse, prêtez maintenant l’oreille à mes paroles ! J’ignore tout à fait pourquoi je suis livrée en proie à une aussi grande douleur, pourquoi le chagrin s’est abattu sur moi, pourquoi j’ai été entraînée au milieu de ces angoisses, de ces amers soucis.

« Je m’attendais à autre chose, j’avais conçu d’autres

  1. V. page 32, note 1.
  2. On a vu que les runot appellent les jeunes mariées indifféremment jeunes filles vierges, épouses ou fiancées ; elles donnent des noms analogues aux jeunes mariés.