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vingt et unième runo

paroles avec ses lèvres, il chanterait un chant splendide, il déploierait une science puissante.

« Par ses chants, il changerait les eaux de la mer en miel, les grains de sable de la mer en pois, la vase de la mer en malt, le gravier de la mer en sel ; il changerait les vastes bois chevelus en champs ensemencés, les lisières des forêts en champs de froment, les collines en gâteaux de miel, les montagnes en œufs de poule.

« Oui, si le Créateur chantait, s’il modulait des paroles, il remplirait par ses chants tous les hangars de cette maison de génisses, toutes les routes de beaux troupeaux, tous les pâturages de vaches laitières ; il créerait cent bœufs ornés de cornes, mille vaches aux rondes mamelles.

« Si le Créateur chantait, s’il modulait des paroles, il créerait par ses chants des pelisses de peau de lynx pour nos hôtes, des manteaux de drap pour nos hôtesses, des chaussures de fête pour les jeunes filles, des chemises rouges pour les jeunes garçons.

« Ô Jumala, fais que désormais, dans tous les temps, on vive de telle sorte, on agisse de telle sorte, pendant ces noces de Pohja, pendant ce festin de Sariola, que la bière coule à flots, que l’hydromel déborde comme un torrent dans les tupas de Pohjola, dans les demeures de Sariola ; fais que l’on chante pendant le jour, que l’on se réjouisse pendant tout le soir, tant que notre hôte vivra, tant que notre hôtesse sera vivante !

« Bénis, ô Jumala, récompense, ô Créateur, notre hôte à la place qu’il occupe à table, notre hôtesse dans son aitta[1], les fils dans leurs filets de pêcheurs, les filles dans leur métier à tisser, afin que jamais ils ne puissent regretter, qu’une autre année ils ne puissent déplorer ces longues fêtes, ce festin de la grande foule !

  1. Voir page 3, note 6.