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vingtième runo

Et quand le pain fut cuit, quand la talkkuna fut apprêtée, un court instant, un instant très-court s’écoula. Alors, la bière s’agita dans son tonneau, elle s’enfla violemment dans la cave : « S’il venait, maintenant, quelqu’un pour me boire, pour m’épuiser ; s’il venait quelqu’un pour chanter mes louanges, pour me célébrer glorieusement ! »

Et l’on se mit à chercher un chanteur, un bon chanteur, un chanteur capable de chanter habilement, d’entonner un chant solennel. On amena un saumon, on amena un brochet pour chanter ; le saumon est incapable de chanter, le brochet ne peut entonner un chant solennel ; les mâchoires du saumon ne sont qu’à moitié ouvertes, les dents du brochet sont très-rares.

Et l’on se remit à chercher un chanteur, un bon chanteur, un chanteur capable de chanter habilement, d’entonner des chants solennels. On amena un enfant, un petit garçon pour chanter ; l’enfant est incapable de chanter, la bouche baveuse ne peut entonner un chant solennel ; la langue de l’enfant est molle et tendre, la racine de sa langue est roide et engourdie.

La rouge bière vociféra des menaces, la fraîche boisson s’enfla avec violence dans le tonneau de chêne, sous les cercles de cuivre : « Si l’on ne me procure point un chanteur, un bon chanteur, un chanteur capable de chanter habilement, d’entonner un chant solennel, je brise tous mes liens, je m’enfle tellement que le tonneau volera en éclats. »

Aussitôt, la mère de famille de Pohjola envoya des invitations aux alentours, elle envoya porter des messages, et elle dit : « Écoute-moi maintenant, ma petite fille, écoute-moi, ma fidèle esclave[1], va inviter tout le peuple, va inviter la foule des hommes au festin ; invite les pauvres, invite les misérables, invite les aveugles, invite les indigents, invite les estropiés, invite les para-

  1. Voir page 84, note 1.