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vingtième runo

Hame[1], sa tête remuait en Kemi[2] ; ses cornes étaient longues de cent aunes, ses naseaux épais d’une demi-aune. L’hermine mettait une semaine à parcourir la région de sa clavicule ; l’hirondelle, volant tout un jour sans repos entre ses deux cornes, franchissait à peine l’espace qui les séparait ; l’écureuil d’été, bondissant tout un mois le long de sa queue, ne parvenait pas à en atteindre le bout.

Ce veau monstrueux, ce grand taureau de Suomi, fut amené de Karjala jusqu’aux champs de Pohjola. Cent hommes le tenaient par les cornes, mille hommes le tenaient par les naseaux, tandis qu’on le conduisait à Pohjola.

Le bœuf s’avança lentement jusqu’à l’embouchure du golfe de Sariola. Il broutait le gazon des marais humides, et de sa croupe il touchait les nuages. Mais, il ne se trouva aucun boucher, aucun homme pour abattre le monstre de la terre, dans la population de Pohja, dans toute la grande race, ni parmi la jeunesse grandissante, ni même parmi la vieillesse.

Alors, survint un vieillard étranger, Wirokannas[3], de Karjala, et il dit : « Attends, attends, bon taureau ! Si je viens avec ma massue, si je te brise le crâne avec mon bâton, pauvre animal, on ne te verra plus, un autre été, froncer ton mufle, dilater tes naseaux, dans ces champs de Pohjola, à l’embouchure du golfe de Sariola. »

Et le vieillard entreprit d’abattre le taureau ; Wirokannas mit la main à l’œuvre, Palvonen essaya de tenir l’animal. Le taureau secoua la tête, et de ses yeux noirs lança des regards farouches. Le vieillard s’élança sur un pin, Wirokannas dans les broussailles, Palvonen se cacha dans les saules.

On chercha un autre boucher, un homme qui pût abattre

  1. Voir page 23, note 1.
  2. Pays abrupte, au nord de la Laponie.
  3. Protecteur des champs d’avoine. Ce personnage n’apparaît que deux fois dans tout le poëme.