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le kalevala

bateau, un bateau formé de cent poutres bien travaillées, qui flottait sur la mer, et elle dit : « Si tu es le bateau de mon frère ou la barque de mon père, dirige-toi vers notre maison. Si tu es un bateau étranger, prends le large et va aborder à un autre rivage ! »

Mais, ce bateau n’était point celui de sa famille, ni celui d’un homme tout à fait étranger, c’était le bateau de Wäinämöinen, le bateau du Runoia éternel. Il s’approcha à la portée de la voix.

Annikki, la fille de la nuit, la vierge du crépuscule, dit : « Où vas-tu, ô Wäinämöinen, où diriges-tu ta course, favori des ondes, où te rends-tu si brillamment habillé, ornement de la terre ? »

Le vieux Wäinämöinen répondit du haut de son bateau : « J’ai conçu le projet d’aller pêcher le saumon, j’ai voulu voir comment les poissons se jouent dans le fleuve noir de Tuoni, dans l’abîme profond. »

Annikki, la vierge célèbre, dit : « Épargne-moi ces mensonges inutiles ! Je connais aussi les jeux des poissons ; mon père, mon vieux père avait coutume, jadis, d’aller à la pêche des saumons, équipé d’une autre manière. Son bateau était plein d’engins de toutes sortes : des nasses, des lignes, des épieux, des fourches. Où vas-tu, ô Wäinämöinen, où diriges-tu ta course, Uvantolainen[1] ? »

Le vieux Wäinämöinen répondit : « Je vais à la chasse des oies, je dirige ma course vers les lieux où folâtrent les ailes brillantes ; je veux abattre les becs morveux, au milieu des détroits fréquentés par les marchands, de la mer vaste et sans limites. »

Annikki, la vierge célèbre, dit : « Je reconnais celui qui parle avec vérité, je devine aussi celui qui débite le mensonge. Mon père, mon vieux père, avait coutume, jadis, d’aller à la chasse des oies, à la chasse des becs rouges, d’une autre manière. Il emportait avec lui son

  1. Voir page 141, note 1.