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seizième runo

möinen de fuir, d’empêcher Uvantolainen[1] de s’échapper, tant que dureraient les jours, que resplendirait la lune, des demeures de Tuonela, des abîmes de Manala.

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen dit : « Est-ce que le malheur fondrait sur moi, est-ce que mon jour fatal serait arrivé dans ces demeures de Tuonela, dans ces abîmes de Manala ? »

Et, soudain, il changea de forme, etil se précipita dans les flots, noir de couleur, tel qu’une algue au milieu des algues ; et il glissa, comme un serpent de fer, comme une vipère, sur les ondes de Tuonela, à travers la nasse de Tuoni.

Le fils de Tuoni, aux doigts crochus, aux ongles de fer, se rendit, dès le matin, sur les bords du fleuve, pour y visiter la nasse. Il y trouva des centaines de truites, des milliers de petits poissons, mais il n’y trouva point Wäinämöinen, il n’y trouva point le vieux Uvantolainen.

Alors le vieux Wäinämöinen, échappé des abîmes de Tuonela, éleva la voix et dit : « Ô bon Jumala, ne crée plus à l’avenir d’homme qui, tel que moi, ose affronter les demeures de Mana, les profondeurs de Tuonela. Grand est le nombre de ceux qui y arrivent, mais petit le nombre de ceux qui en reviennent ! »

Et le vieux Wäinämöinen parla encore, s’adressant à la jeunesse qui s’élève, à la race qui grandit : « Ô vous, enfants des hommes, gardez-vous, tant que durera cette vie, de pervertir les innocents, de précipiter dans le crime ceux qui sont purs ; vous en seriez durement punis, là-bas, dans les demeures de Tuoni. Une place y est réservée aux criminels : un lit de pierres brûlantes, de rochers de feu, une couverture de couleuvres, de vers et de serpents ! »

  1. Surnom de Wäinämöinen, de Uwet, illustré, excellent.