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dix-septième runo

prends la fuite, ô homme méchant, avant que le jour ne se lève de nouveau, avant que l’aurore de Dieu ne resplendisse, avant que le soleil ne remonte à la voûte céleste, avant que le coq ne fasse entendre son chant ! Oui, c’est le moment pour l’être vicieux de préparer son départ, c’est l’heure pour les méchants de fuir ; la lumière de la lune éclairera ton voyage !

« Si tu ne te hâtes de sortir, ô chien privé de mère, j’emprunterai les serres de l’aigle, le dard de la sangsue, les pinces de chair de l’oiseau, les branches des pieds du vautour, et je tourmenterai le méchant, et je châtierai le sacrilége, jusqu’à ce que sa tête cesse de branler, jusqu’à ce que le souffle manque à sa poitrine.

« Jadis, un Lempo[1] créé, un Lempo né d’une mère se retira confondu, lorsque l’heure de Jumala eut sonné, lorsque le secours du Tout-Puissant se fut manifesté. Ne seras-tu donc pas confondu, à toi, être sans mère ? Ne te retireras-tu pas, ô être contre nature ? Ne me laisseras-tu pas, chien sans maître, à ce moment où la lune se promène dans le ciel ! »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen répondit : « Je me trouve bien ici, j’y passe agréablement le temps. Le foie remplace très-convenablement le pain, la graisse du foie la viande ; le poumon est bon à cuire, la graisse est bonne à manger.

J’enfoncerai mon enclume plus avant dans la chair du cœur, j’installerai ma forge dans un endroit plus profond, en sorte que, durant tous tes jours, tu ne puisses t’échapper, avant que je n’aie entendu les paroles, que je n’aie appris de toi les paroles magiques, mille matières de chant. Les paroles ne peuvent rester cachées, les paroles. magiques ne peuvent demeurer ensevelies dans le sein des rochers ; la puissance ne peut s’éterniser dans la crevasse de la terre, bien que les puissants eux-mêmes aient disparu[2]. »

  1. Voir page 41, note 3.
  2. Les sorciers finnois regardaient les paroles magiques comme