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profondeurs de la terre, du séjour des morts, de l’habitation des hommes disparus, de la poussière ondoyante, des terres fréquemment remuées, des sables mouvants, des vallées humides, des bruyères sonores, des marais vides de mousse, des sources bondissantes, des ruisseaux murmurants, des cavernes des bois de Hiisi, des crevasses des montagnes, du sommet des collines de cuivre, des pins orageux, des sapins moisis, des espaces où les renards glapissent, des plaines où l’on chasse l’élan, des sauvages repaires de l’ours, des lointaines régions de Pohja, des frontières reculées de Laponie, des cultures arides, des campagnes en friche, des vastes champs de bataille, des gazons crépitants, des torrents de sang figé, des larges golfes, de la vase noire de la mer, des gouffres profonds de mille brasses, des tourbillons écumeux, de la puissante cataracte de Rutja[1], des hauteurs du ciel, des nuages desséchés, des routes du soleil ardent, des lieux où dort la tempête.

« Est-ce de là que tu es venu, est-ce de là, ô misérable, que tu es descendu dans un cœur pur, dans un ventre innocent, pour mordre, pour dévorer, pour manger, pour ronger ?

« Suspends tes attaques, ô chien de Hiisi, arrête-toi, ô dogue de Manala, sors de mon corps, horrible monstre, sors de mon foie, fléau du monde, cesse de dévorer la chair de mon cœur, de piétiner ma rate, de broyer mon estomac, de tourner autour de mes poumons, autour de mon nombril, de torturer mes tempes, de labourer mon échine, de déchirer mes flancs !

« Et si je n’ai pas assez de force pour me délivrer de ce fléau, pour me soustraire à ces angoisses, j’invoquerai le secours de plus puissants que moi.

« J’appellerai du sein de la terre les mères de la terre, des profondeurs du sol les maîtres antiques, tous les hommes de glaive des plaines, tous les cavaliers des

  1. Voir page 74, note 1.