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seizième runo

demeures éternelles de Manala, pour y chercher les paroles, les grandes paroles magiques. Il marcha sur ses pieds légers, pendant une semaine, à travers les petits bosquets, pendant une autre semaine, à travers les grands bois, pendant une troisième semaine, à travers les forêts profondes. Alors apparut à ses yeux l’île de Manala, la colline de Tuoni.

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen se mit à crier de sa voix retentissante : « Ô filles de Tuoni, amenez-moi un bateau, ô enfants de Manala, amenez-moi un radeau, afin que je puisse franchir le golfe, traverser le fleuve. »

Les filles de Tuoni, à la taille courte, les filles de Manala, au corps rabougri, étaient occupées à laver leur linge, à lessiver leurs vieux haillons, dans le fleuve noir de Tuoni, dans les eaux basses de Manala. Elles répondirent : « On ne t’amènera une barque que lorsque tu auras dit comment tu es venu à Manala, car nulle maladie ne t’a donné la mort, nul malheur ne t’a tué, nulle catastrophe ne t’a brisé[1]. »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen dit : « Tuoni m’a amené ici, Mana m’y a conduit. »

Les filles de Tuoni, à la taille courte, les filles de Manala, au corps rabougri, répliquèrent : « Nous allons confondre le menteur. Si Tuoni t’avait amené, si Mana[2] t’y avait conduit, ils t’y auraient certainement accompagné, et tu aurais sur la tête le bonnet de Tuoni, aux mains les gants de Manalainen[3]. Dis-nous la vérité, ô Wäinämöinen, dis-nous comment tu es venu dans Manala ? »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen dit : « Le fer

  1. Les régions de la mort étaient inabordables, chez les Finnois comme chez tous les autres peuples, aux hommes vivants.
  2. Voir page 120, notes 1 et 2.
  3. Fils de Mana. Ce passage doit être ainsi interprété : « Si la mort t’avait conduit ici, tu porterais sur toi les signes de la mort, »