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quinzième runo

pour servir d’aliment au feu du poêle, pour chauffer l’étuve ; on nous brûle pour défricher le champ que nous occupons. »

La mère de Lemmikäinen cherche, cherche toujours, sans rien trouver. Elle s’adresse au chemin qu’elle rencontre : « Ô chemin, toi que Dieu à créé, as-tu vu mon fils, ma pomme d’or, mon bâton d’argent[1] ? »

Le chemin lui répond avec intelligence : « J’ai bien assez de mes propres tourments pour songer à ton fils. Mon destin est cruel, mes jours sont mauvais. Je suis né pour être piétiné par les chiens, pour être broyé sous la roue des chariots, pour être déchiré par les souliers grossiers, pour être foulé par les lourds talons. »

La mère de Lemmikäinen cherche, cherche toujours, sans rien trouver. Elle voit se lever la lune et se prosterne devant elle : « Ô chère lune, créature de Jumala, as-tu vu mon fils, ma pomme d’or, mon bâton d’argent ? »

La lune lui répond avec intelligence : « J’ai bien assez de mes propres tourments pour songer à ton fils. Mon destin est cruel, mes jours sont durs. Je suis née pour errer solitaire au milieu des nuits, pour briller pendant les froids rigoureux, pour veiller, sans cesse, durant les interminables hivers, pour disparaître alors que règne l’été[2]. »

La mère de Lemmikäinen cherche, cherche toujours, sans rien trouver. Le soleil vient à sa rencontre ; elle se prosterne devant lui. « Ô soleil créé par Dieu, as-tu vu mon fils, ma pomme d’or, mon bâton d’argent ? »

Le soleil, qui déjà sait quelque chose, lui répond avec douceur : « Ton fils, ton pauvre fils est enseveli, mort, dans le fleuve noir de Tuoni, dans les ondes éter-

  1. Expressions affectueuses, très-fréquentes dans la langue finnoise. Voir page 15, note 1.
  2. On sait qu’en Finlande les jours d’été sont si longs, que les nuits, en quelque sorte, n’existent plus, et que, par conséquent, la lune semble avoir disparu du ciel.