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neuvième runo

afin qu’il cesse de jaillir sur ma barbe, de dégoutter sur mes vêtements ! »

Et le vieillard ferma lui-même la bouche du sang ; il enchaîna le torrent rouge ; puis il envoya son fils à sa forge pour y préparer un baume, un baume fait avec de la semence de gazon, avec les tiges de mille plantes saturées de miel.

Le jeune homme s’achemina vers la forge ; il rencontra un chêne, et il lui dit : « As-tu du miel sur tes branches, du miel sous ton écorce ? »

Le chêne répondit avec sagesse : « Hier, le miel a coulé sur mes branches, il a inondé ma couronne, un miel tombé du haut du ciel, du haut des nues liquéfiées. »

Le fils du vieillard coupa les branches du chêne, les rameaux de l’arbre fragile ; il prit, ensuite, de la semence de gazon ; il prit les tiges de mille plantes, de ces plantes qu’on ne voit point croître dans tous les lieux de monde.

Et il mit une chaudière sur le feu, et il la remplit de l’écorce du chêne et des mille plantes belles à voir.

La chaudière commença à bouillonner avec force ; elle bouillonna trois nuits entières, trois jours de printemps. Alors, le fils du vieillard examina si le baume était prêt, s’il possédait une vertu infaillible.

Le baume n’était point encore prêt, il ne possédait point une vertu infaillible. Le fils du vieillard y ajouta de nouvelles semences de gazon, de nouvelles plantes, qui avaient été rapportées de loin, d’au delà de cent chemins : des semences de gazon, des plantes données par neuf sages, par neuf katsoja[1].

Et il fit de nouveau bouillir la chaudière pendant trois nuits, pendant neuf nuits ; puis il examina encore si le baume était prêt, s’il possédait une vertu infaillible.

Un tremble s’élevait au milieu d’un champ, un tremble

  1. Voyants ou Regardants ; sorciers qui, par leur seul regard, communiquaient aux choses une vertu magique. V. page 23, note 8.