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mangea comme un chien sa conscience et son honneur ; et il frappa son propre frère, il mordit son parent avec rage, et le sang coula, et le sang chaud déborda comme un fleuve.»

Le vieillard rugit du haut du poêle, la barbe grise tonna, la tête de cent ans hurla : « Maintenant je connais l’origine du fer, je sais les habitudes de l’acier.

« Malheur à toi, déplorable fer, vile et pauvre scorie ! malheur à toi, acier fatal ! Tu ne devais donc naître au monde que pour y déployer ta méchanceté et ta violence !

« Tu n’étais pas précisément grand, tu n’étais ni grand, ni petit, ni trop beau, ni trop hideux[1], alors qu’à l’état de lait, de lait doux et limpide, tu reposais pacifiquement dans le sein de la jeune vierge, que tu faisais gonfler ses mamelles, sur le bord du long nuage, dans la vaste plaine du ciel.

« Tu n’étais pas précisément grand, tu n’étais ni grand ni petit, alors que tu gisais comme une eau dormante, comme une onde claire, dans le marais, que tu couronnais la cime des rochers sauvages, sous la forme d’une vase épaisse, d’une argile rouillée.

« Tu n’étais pas précisément grand, tu n’étais ni grand ni petit, alors que les élans te foulaient aux pieds dans les bois, que les rennes te piétinaient dans les bruyères, que le loup et l’ours te pétrissaient avec leurs griffes.

« Tu n’étais pas précisément grand, tu n’étais ni grand ni petit, alors qu’on t’extrayait de la vase du marais, qu’on te dégageait du limon de la terre et qu’on te portait à la forge d’Ilmarinen.

« Tu n’étais pas précisément grand, tu n’étais ni grand ni petit, alors que tu pétillais comme le mâchefer, que tu bouillonnais, comme l’eau, dans le feu mordant,

  1. V. page 12, note 3.