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septième runo

« Oui, je pleurerai, je me lamenterai toute ma vie, parce que j’ai été emporté loin de ma patrie, de mon pays bien-aimé, dans ces régions inconnues, dans ces terres étrangères. Ici, tous les arbres mordent, toutes les branches de sapin blessent, chaque bouleau pique, chaque aulne déchire. Je n’y connais que le souffle du vent, que la lumière du soleil, car je les avais déjà connus auparavant. »

Louhi, la mère de famille de Pohjola, dit : « Ne pleure point, Wäinämöinen, ne gémis point, Uvantolainen, il est bon que tu vives, il est bon que tu passes agréablement le temps, en mangeant le saumon, en mangeant la chair de porc que j’ai placés devant toi. »

Le vieux Wäinämöinen dit : « Ce que l’on mange hors de chez soi profite peu, lors même qu’on vous servirait un grand festin. L’homme est toujours mieux dans son pays, toujours mieux dans sa maison. Que le Dieu clément, que le Créateur plein de grâce daigne n’y ramener enfin ! L’eau bue chez soi dans un soulier d’écorce de bouleau est meilleure que l’hydromel bu sur une terre étrangère, dans une coupe d’or. »

Louhi, la mère de famille de Pohjola, dit : « Eh bien, que me donneras-tu si je te ramène dans ton pays, à l’entrée de ton champ, près de ta chambre de bain ? »

Le vieux Wäinämöinen répondit : « Que demandes-tu de moi si tu me ramènes dans mon habitation, si tu m’y ramènes de telle sorte que j’entende la voix de mon coucou, le chant de mon bel oiseau ? Veux-tu un casque plein d’or, un chapeau plein d’argent ? »

Louhi, la mère de famille, dit : « Ô sage Wäinämöinen, ô runoia éternel, je ne veux ni de ton or ni de ton argent. Les pièces d’or sont les fleurs de l’enfant, les pièces d’argent l’ornement sonore du cheval. Peux-tu me forger un Sampo[1], un Sampo au couvercle splendide ; peux-tu le forger avec la pointe des plumes d’un

  1. V. page 2, note 5.