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le kalevala

« Et une effroyable tempête s’est élevée du nord-ouest ; et j’ai été emporté loin, bien loin des rivages ; et depuis ce temps-là, j’ai vagué de longs jours, de longues nuits à travers ces plaines humides. Maintenant, j’ignore, je ne soupçonne pas, je ne saurais comprendre par quelle voie me viendra la mort, si ce sera par la faim ou par l’épuisement de la fatigue. »

L’aigle, l’oiseau de l’air dit : « Cesse de gémir, ô Wäinämöinen, monte sur mon dos, sur la pointe de mes ailes, je te retirerai de la mer et te porterai où il te plaira. Je me souviens de ces jours, de ces temps meilleurs, alors que tu abattais les forêts de Kaleva, les bois d’Osmola[1]. Tu laissas le bouleau croître, tu laissas le bel arbre debout, afin que les oiseaux pussent s’y reposer, que j’y trouvasse moi-même un refuge. »

Le vieux Wäinämöinen éleva sa tête hors de l’eau ; le héros sortit de la mer et se plaça sur le dos, sur la pointe des ailes de l’aigle.

L’aigle, l’oiseau du ciel, porta Wäinämöinen, à travers l’espace, le long des routes du vent, des grands chemins de la tempête, vers les frontières lointaines de Pohjola, vers la nébuleuse Sariola[2]. Là, il le déposa et remonta vers les nues.

Le vieux Wäinämöinen se mit à pleurer et à sangloter bruyamment sur ce nouveau rivage, sur ce promontoire inconnu. Il avait cent blessures au côté, mille coups dont l’avait frappé la tempête ; sa barbe était hérissée, sa chevelure en désordre.

Il pleura deux nuits, il pleura trois nuits et autant de jours ; et il ne savait, étranger qu’il était, quelle route il devait prendre, quel chemin il devait suivre, pour regagner son ancienne demeure, pour retourner au lieu de sa naissance.

  1. V. page 15, note 2.
  2. Région couverte d’algues, de sara, algue. Un des noms de Pohjola.