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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


à en supprimer les traces. Son couteau sanglant, il le jette au fleuve ou à l’égout. Qui l’y cherchera ? Alors il respire, sûr de sa muette conscience.

XX

Quand Sandherr porta à Henry l’ordre ministériel de disloquer le dossier, lui dit-il son étonnement de l’impérative consigne et d’avoir vu Mercier déchirer la notice ? Ou fut-ce Henry, plus subtil, qui s’inquiéta ? Ces deux hommes sont morts sans parler. Le fait certain, c’est que, tous deux, d’un plein accord, décidèrent de ne pas obéir et de n’instruire de leur désobéissance aucun des chefs, ni Gonse, ni Boisdeffre[1]. Si la commune forfaiture doit être un jour découverte, l’envie pourrait venir à ces grands chefs de jouer la comédie de la surprise : « C’est Sandherr ! c’est Henry ! » Non. Part commune au victorieux forfait, part commune au danger.

Ils refont le dossier. Sandherr avait reconnu, contrôlé la traduction exacte de la dépêche italienne[2] ; la fausse, qui a trompé les juges, est jetée au feu. Henry a gardé le commentaire original de Du Paty qui n’a pas

    cier a une raison : cacher d’autres mensonges. Il dit n’avoir connu le fait de la communication qu’en juin 1899, parce que, peu de jours auparavant, il donnait sa parole d’honneur au général G… que la forfaiture n’avait pas été commise.

  1. Quand Picquart, en 1896, ayant découvert la culpabilité d’Esterhazy, porta le dossier secret à Boisdeffre, celui-ci en manifesta son étonnement, « lui demanda pourquoi le dossier n’avait pas été brûlé, comme il avait été convenu ». (Revision, 121, lettre de Picquart au garde des Sceaux.)
  2. Voir page 250.