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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


par un de ses agents une information, dont le sens général et les termes principaux avaient été arrêtés par lui-même, mais tus aux cryptographes du quai d’Orsay. Aussitôt que la fausse information parvint à Panizzardi, il la télégraphia au chef de son État-Major, à Rome. Ce télégramme, intercepté, fut déchiffré intégralement, au ministère des Affaires Étrangères, à l’aide de la clef qui avait été appliquée à la dépêche du 2 novembre. La traduction en est portée à Sandherr qui en reconnaît l’exactitude[1].

Sandherr remit lui-même à ses chefs la traduction officielle de la dépêche du 2 novembre[2]. Il leur avait présenté l’ébauche, dont il avait eu communication à titre personnel, comme douteuse. Il est impossible qu’il leur ait laissé ignorer la contre-épreuve qui constituait une démonstration sans réplique. Une telle négligence de sa part eût été aussi imprudente que malhonnête. Qui l’assure, s’il se tait de la contre-épreuve, que le ministre n’en sera pas avisé par son collègue des Affaires étrangères ? Comment s’excusera-t-il de ce silence ? Et pourquoi aurait-il menti par prétérition ? Dans quel intérêt ? N’a-t-il pas inventé lui-même le stratagème qui a permis de contrôler la traduction de la dépêche[3] ?

Donc, le 10 novembre, — au plus tard le 13, — Mer-

  1. Paléologue(Cass., III, 176) en donne le texte : « Y…, qui est à X., va partir sous peu de jours pour Paris ; il est porteur de documents relatifs à la mobilisation de l’armée… qu’il s’est procurés dans les bureaux de l’État-Major ; cet individu demeure rue… » Les noms propres furent intégralement déchiffrés comme le reste. X… est Schlissenfurt. (Rennes, III, 647, Demange).
  2. Gonse (Cass., I, 561) et Boisdeffre (Cass. I, 556) en conviennent. Mercier croit que la traduction lui fut (remise par Boisdeffre (Cass., I, 546) ; Gonse croit que ce fut par Sandherr (Cass., I, 561).
  3. Mercier, à Rennes (I, 160), interrogé sur le point de savoir si Sandherr lui a fait part de la contre-épreuve, se borne à répondre : « Je n’en ai pas souvenir. »