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LA REVISION

L’article était vif, sec, d’une brutalité parfois éloquente. Le temps presse, la Cour de cassation va rendre son arrêt, consommer « le coup d’État judiciaire » prédit par Cavaignac[1] ; tous ceux qui ont été « insultés » par Baudouin « relèvent le gant » : pourquoi, seul, Mercier se tait-il, oublieux de ses solennelles promesses ? S’il ne parle point, « serait-ce qu’il n’a rien à dire ? » « Les juifs seraient-ils parvenus à le tenir, lui aussi, par quelque côté ? » Hervé, les anti-militaristes, « ont fait certainement bien du mal » ; Mercier, s’il manque à sa parole, « en fera bien plus ».

Mercier, sous l’injonction, s’exécuta, écrivit à Ballot-Beaupré[2], mais lui, qui était l’audace même, la lettre la plus embarrassée et la plus plate, pris qu’il était entre les mensonges qu’il avait accrédités depuis tant d’années et les démentis qu’il avait été contraint de leur infliger devant la Chambre criminelle. Nulle chamade plus morne. L’enquête étant close et parce que la loi avait voulu qu’elle fût secrète comme toutes les instructions, il ne saurait, dit-il réfuter le rapport de Baudouin, étayé « d’inexactitudes », « à moins de nouveaux débats publics et contradictoires ». « Il rappelle » donc « seulement » que, pour discuter « de la soi-disant culpabilité d’Esterhazy », il eût fallu vérifier, comme il l’avait demandé, si « le même nombre de fils au centimètre » se trouve sur le bordereau et les lettres sur papier pelure saisies chez l’ancien commandant[3] ; « pour faire état de la minute du commandant Bayle », « il y aurait intérêt à savoir comment, disparue et non-retrouvée pendant plusieurs années, elle a subitement reparu » ; enfin, il avait fixé au 12 décembre 1894, et

  1. Voir p. 283.
  2. 6 juillet 1906. — Voir Appendice VII.
  3. Déposition du 2 mai 1904.