Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/287

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
277
L’ENQUÊTE


Henry de supprimer » le bordereau d’Esterhazy[1]. Il dit exactement le contraire à ses lecteurs suisses : « Impossible d’admettre qu’Henry ait été à la merci de l’agent », que Brücker eût pu « élever la voix ou soulever un conflit » ; Henry « n’avait rien à craindre », il pouvait « faire ce qu’il eût voulu[2] ». — Il lui arrive de changer d’un article, d’une page à l’autre. Tantôt Henry est un si gros personnage et si solidement assis, en septembre 1894, qu’il peut se rire des menaces de Brücker et défier les soupçons de Sandherr[3]. Tantôt, trois mois plus tard, en décembre, au moment de la confection du dossier secret[4], c’est un si mince officier et si « subalterne » qu’il faut tout ignorer du fonctionnement des bureaux de la Guerre pour imaginer que Mercier « ait eu affaire à lui[5] ». Or, Gonse, à Rennes, a déclaré formellement que Mercier « était renseigné par Henry[6] » ; Mercier, présent, n’y a point contredit, et Picquart aussi était présent. — Aussi bien Henry était-il trop fruste, trop peu instruit, pour avoir été « l’auteur principal ou l’inspirateur des machi-

  1. Rennes, I, 475, Picquart. — Voir p. 274 et t. V, 392.
  2. Gazette de Lausanne du 2 juin 1903.
  3. Ibid., « Il avait la protection assurée du tout-puissant général Saussier qui n’aimait pas Sandherr. Sa situation lui permettait de faire ce qu’il eût voulu. »
  4. Voir t. I, 362 et suiv.
  5. « Pour qui connaît le fonctionnement des bureaux de la Guerre et spécialement la manière dont les choses se passaient en 1894, il est impossible d’admettre que le général Mercier ait eu affaire à Henry dont la personnalité, aussi bien que les fonctions, étaient essentiellement subalternes à ce moment-là. Quand le ministre avait à s’adresser directement au bureau des Renseignements, il faisait venir à son cabinet le chef ou, en l’absence de celui-ci, le sous-chef de ce bureau. » (Gazette de Lausanne du 1er août 1903.)
  6. Rennes, II, 218, Labori : « Par qui M. le général Mercier a-t-il été renseigné ? — Gonse : C’est par le colonel Henry. » (Mouvement prolongé).