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MORT DE FÉLIX FAURE


remis à l’un d’eux les 50.000 francs qu’il avait sur lui[1], et, s’adressant aux manifestants qui criaient encore dans la rue et dont quelques-uns étaient montés sur la grille de la cour, il leur lança la formule où son amour-propre allait se raccrocher : « Allez dire à Paris que je suis prisonnier de l’armée, arrêté parmi les soldats pour qui je me suis sacrifié[2]. » Mais lui-même, avec Habert, il refusa de sortir. Roget étant venu en personne le lui demander[3], accompagné du colonel Gauchotte, il s’écria « qu’il avait essayé de défendre l’armée qu’on insultait », et, « se plaçant près du porte-drapeau », « qu’il voulait être arrêté militairement[4] », « qu’il ne demandait que ça ». Roget n’en put tirer autre chose, sauf cette question : « Comment se fait-il que ce soit vous qui vous soyez trouvé là, alors que votre brigade était ce matin avenue Gabriel ? » (en queue du cortège). Il portait, ainsi qu’Habert, son écharpe de député, « s’était bruyamment déboutonné pour la montrer[5] », et le général ne pouvait se défendre encore d’un certain respect devant ces insignes du pouvoir civil[6], même sur la poitrine de ces deux hommes qui avaient voulu le détruire. Puis, pendant que Roget ordonnait de fermer

  1. Voir p. 596.
  2. Instr. Pasques, 19, Simoni ; 52, Morris ; 57, sergent Galerne ; 60, cavalier Albert Jules ; 73, Lambin ; 74, capitaine Mauriot.
  3. Roget : « Je m’approchai des députés pour les prier de sortir. »
  4. Ibid., 14, Roget ; 17, Gauchotte ; 18, colonel Kerdrain ; 21, lieutenant Daudier ; 22, capitaine Bastien ; 23, capitaine Gerber ; 31, Déroulède ; etc. — Déroulède donne ces deux raisons : « qu’il préférait être arrêté par des soldats et qu’il tenait à faire disparaître ses papiers avant d’être dans les mains de la police ».
  5. Ibid., 17, Gauchotte.
  6. Ibid., 14, Roget. — Il dit à Gauchotte : « Je suis inviolable, » puis, un instant après, « par une singulière contradiction » : « Qu’on m’arrête… etc. » (17.)