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MORT DE FÉLIX FAURE


décider qu’ils se réuniraient en corps à l’Élysée et accompagneraient le Président à travers toute la ville[1] ; enfin Loubet adressa aux Chambres le message d’usage[2]. Il y évoqua les principes de la Révolution, recommanda de « respecter également la magistrature, qui applique les lois, et l’armée, qui assure l’indépendance de la patrie » : « Ne laissons pas oublier que notre France a toujours professé le même amour du progrès, de la justice et de l’humanité. » Et, très crânement, il dit « qu’il ne laisserait pas affaiblir entre ses mains les droits que lui conférait la Constitution » et que « rien ne le rebuterait ».

Cependant Déroulède préparait son coup pour le jour des obsèques de Félix Faure. Il y avait six mois, de son propre aveu, qu’il en cherchait l’occasion, c’est-à-dire du vivant du « mort de l’Élysée[3] ». Il n’eut ainsi que peu de chose à changer au plan, qu’il avait combiné dès lors avec Marcel Habert, et dont il arrêta ainsi les grandes lignes : le peuple, représenté par les ligueurs, entraînera un général, acquis d’avance, vers l’Hôtel de Ville et, de là, à l’Élysée[4] ; une brigade, « descendant des faubourgs et entourée par les acclamations de la foule », suffira à la besogne, « un 4 Septembre militaire, sans effusion de sang[5] » ; il signifiera lui-même à

  1. 20 février 1899.
  2. 21 février.
  3. Instr. Pasques, 68, Déroulède : « Depuis six mois, j’ai préparé et réuni tous les éléments d’une insurrection nationale. » De même Habert (36). — Rapport Hennion du 11 février : « L’autre soir, Habert. Poirier, etc., parlaient d’organiser une manifestation place de la Concorde ; si l’on était en nombre, on tenterait d’envahir le Palais Bourbon ou l’Élysée. »
  4. Ibid., 33, 37, 122, Déroulède ; 36, Habert.
  5. Habert se fût contenté d’un régiment ; Déroulède explique « qu’il n’a jamais voulu de pronunciamento de régiment, d’escadron ou de batterie ». (33). — Voir p. 575.