Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/268

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
264
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


dicat[1], mais il ne s’inquiétait pas autrement d’une pareille sottise.

Zurlinden, dans sa lettre du 10 septembre[2], n’avait notifié que la première partie de ses conclusions, qui étaient, comme on sait, de laisser Dreyfus à l’île du Diable et d’envoyer Picquart devant un conseil de guerre. Quand on sut, à l’État-Major, que Brisson et Sarrien s’étaient adressés à Picquart pour contrôler les dires des grands chefs, la colère y fut extrême. On décida aussitôt Zurlinden à signifier à ces insolents que leur informateur était un faussaire, qu’on en avait cent preuves, et qu’il allait donner l’ordre « au Gouverneur de Paris » d’ouvrir une enquête sur l’origine et la sophistication du petit bleu[3].

Cette nouvelle communication de Zurlinden à Sarrien ne contenait pas d’ailleurs que l’annonce de ces représailles, mais un récit circonstancié de l’Affaire[4]. C’était la contre-partie du récit que Picquart avait écrit à la demande de Brisson, aussi documentée, puisque Roget et Cuignet n’avaient eu qu’à puiser aux dossiers d’Henry et à questionner ses compères, et qui ne parut pas plus invraisemblable au ministre de la Justice que la véridique histoire, car rien n’était plus invraisemblable que la vérité et parce que, depuis longtemps, la haine, la sottise ou la peur faisaient passer le mensonge comme

  1. Éclair du 13 septembre 1898. — La plainte en diffamation fut déposée au tribunal le jour même.
  2. Revision, 239. (Voir p. 256.)
  3. Cass., II, 124 à 129 (16 septembre).
  4. Note du 14 septembre. (Affaire Picquart, 227 à 251.) — Cette note est visiblement due à la collaboration de Roget, qui, dans sa déposition devant Tavernier (12 novembre), en reproduit certains passages dans les mêmes termes, et de Cuignet, qui convient que c’est lui qui découvrit l’affaire Donin de Rosières (17 octobre). — La note de Gonse, qui est jointe à celle de Roget, porte la date du 16 septembre.