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LA CHUTE DE MÉLINE

La manœuvre contre Picquart fut plus grossière. Elle consista, à la veille des élections, à faire raconter par les journaux qu’il s’était rendu en Allemagne pour s’y rencontrer, à Carlsruhe, avec Schwarzkoppen, qu’il existait une preuve « matérielle » de l’entretien ; un agent les avait photographiés ensemble[1]. Ces révélations s’échelonnèrent sur plusieurs jours, se confirmaient.

Le coup avait été combiné entre Henry, Esterhazy et Guénée qui, chargé de filer Picquart, avait constaté qu’il n’était plus à son domicile[2]. Il était, en effet, allé passer quelques jours chez une vieille amie de sa mère[3]. Possien, ce journaliste à qui Picquart avait fait racheter autrefois un article en faveur de Dreyfus, annonça qu’il avait vu de ses yeux la photographie ; elle existait, en effet, ainsi qu’une autre où l’on avait représenté le même Schwarzkoppen attablé avec Dreyfus.

Pellieux la vit aussi et en parla triomphalement à Esterhazy ; il avait vu également le rapport de l’agent.

Quelque dédaigneux que fût Picquart des injures, il se fâcha ; il déposa une plainte en faux contre Possien[4].

Dans cette douloureuse histoire que je raconte, tant

  1. Écho de Paris du 20 avril 1898, Gaulois du 28, Jour du 1er mai : « Le gouvernement sait de source absolument sûre… etc. » Possien précisait que l’entrevue avait eu lieu le 5 avril. — Trarieux écrivit à Méline qu’il l’interpellerait, à la rentrée des Chambres, sur cette histoire.
  2. Esterhazy. Dép. à Londres (Éd. de Bruxelles), 94 et suiv. — Voir Appendice IV.
  3. Cass., I. 210. Picquart.
  4. 6 mai 1898. — Possien, rédacteur au Jour, interrogé par Bertulus, se retrancha derrière le secret professionnel (21 mai). De même Vervoort. — Bertulus interrogea également Guénée « qui se contenta de donner un certificat d’honorabilité à Picquart ». (Cass., I, 267.)
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