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LA DÉCLARATION DE BULOW


l’armée. « Le châtiment des syndicataires de la trahison commençait[1]. » Comme le secret avait été gardé soigneusement sur les charges alléguées contre Picquart[2], le public fut persuadé que l’accusateur d’Esterhazy s’était compromis dans des manœuvres louches, qu’il s’était vendu comme Zola et comme Scheurer.

Ainsi reluisait, d’un éclat tous les jours plus vif, l’honneur d’Esterhazy, et c’était un salutaire exemple que nul n’y pût porter atteinte impunément.

Les parlementaires, comme les officiers, travaillèrent à instituer solidement cet honneur devenu « d’utilité publique[3] ».

J’avais adressé à Billot, à la veille du procès d’Esterhazy, une protestation contre le huis clos. Comme j’avais signé cette lettre de mon titre de député et de ma qualité de membre de la commission de l’armée, le comte de Pontbriand proposa à la commission de me blâmer[4]. J’étais absent de la séance. Il eût été correct d ajourner le débat. La majorité préféra aller vite, adopta toutefois une autre rédaction, d’un député républicain, qui exprimait seulement le regret que j’eusse signé ma protestation comme je l’avais fait[5]. J’envoyai ma démission au président de la commission, l’académicien Mézières, en faisant observer que « je ne m’étais pas servi de mon titre pour recommander au ministre

  1. Intransigeant du 4 février 1898.
  2. Libre Parole du 2 et du 3.
  3. Anatole France, L’Anneau d’améthyste, 286 : « Des événements, qu’on commence à connaître et qui seront bientôt éclaircis, avaient intéressé l’État à l’honneur de Raoul. Il importait grandement que Raoul fût pur. Cet honneur étant d’utilité publique, chacun s’efforçait de l’instituer solidement. Les bons citoyens y travaillaient avec allégresse.
  4. 25 janvier 1898.
  5. Proposition d’Antonin Périer. — Voir p. 196.