hommes, le spectacle d’un espion passé héros national n’était pas dépourvu d’agrément.
Esterhazy, cachant à peine sa terreur sous d’éloquentes invectives, expliqua à ses amis anglais que « le procès intenté à Zola était une lourde faute[1] ». Il eût fallu mépriser cet insulteur, puisque l’absurde et déplorable Révolution a supprimé jusqu’à la Bastille. Dans un pays où il y a une tradition, une forte hiérarchie des chefs[2], Zola serait déjà dans une forteresse. Décidément, la France, en proie à l’anarchie, était tombée bien bas. Billot n’a-t-il pas refusé à Esterhazy jusqu’à l’autorisation de poursuivre Mathieu Dreyfus et le Figaro, de me provoquer en duel ainsi que Clemenceau[3] ?
Esterhazy ne tint pas seulement ces propos dans les restaurants de nuit et les bureaux de rédaction, mais il porta ses doléances à Pellieux[4] qui, maintenant, remplaçait Du Paty comme intermédiaire[5], et qui avait pris en affection l’homme qu’il avait sauvé. Le général le recevait chez lui, dans l’intimité, et sa femme cherchait à le réconcilier avec Mme Esterhazy[6]. Il était entré, depuis peu, en relations avec Tézenas[7], et tous les trois s’indignaient, prévoyaient des catastrophes.
Les capitulations successives de Billot n’avaient point rassuré Boisdeffre. Il se doutait bien que le ministre
- ↑ Il l’écrivit aussi, le 28 janvier, à Christian qui était reparti pour Bordeaux.
- ↑ Voir p. 322 l’article de Drumont, dans la Libre Parole du 1er février 1898.
- ↑ Cass., I, 587, Esterhazy.
- ↑ Cass., I, 741, Strong.
- ↑ Esterhazy, Dép. à Londres, 5 mars 1900 ; Mémoire de Christian, 96, etc.
- ↑ Mémoire, 96.
- ↑ Esterhazy, Dép. à Londres et Cass., II, 176.