Page:Jerome - Œuvres complètes, trad. Bareille, tome 9, 1881.djvu/205

Cette page n’a pas encore été corrigée

homme, c’est de tout un peuple qu’il s’agit. Maintenant donc nous pouvons aussi prêter au peuple ce langage : Je subis volontiers la captivité, j’endure ces maux sans murmure, je supporte patiemment le joug écrasant des Babyloniens, et je souffrirai avec joie jusqu’aux derniers coups de la plus dure nécessité, pourvu que je puisse me reposer au temps où vous maudirez les sceptres de l’impie, et où vos chevaux fouleront aux pieds la boue des grandes eaux, afin que je retourne ensuite dans la terre de répromission avec vos saints, Zorobabel et Jésus, fils de Josédec, et le prêtre Esdras et Néhémie. Jusqu’ici, pour ne point paraître tout à fait omettre l’histoire, j’ai en quelque manière fait violence au sens et appliqué de force à la captivité un ordre d’idées qui ne s’y rattachent pas rigoureusement ; je reviens maintenant à la version des Septante et au développement du sens spirituel.

Les Septante : « Vous avez divisé dans la stupeur les têtes des puissants. » Comme Jésus-Christ est la tète de l’Église et de tout homme, [1] la tête de tous les démons qui font rage dans ce monde est Béelzébut, leur prince, et chacune de leurs légions a sa tête et son prince. Par exemple, les esprits de fornication ont leur préfet, les esprits d’avarice ont leur capitaine, les esprits de vaine gloire, les esprits de mensonge, les esprits d’infidélité ont les chefs de leur milice. Dieu donc, plein débouté, après avoir envoyé la mort sur les têtes des impies, et qui leur avait suscité des chaînes jusqu’au cou, à la fin divise les têtes des puissants dans la stupeur, afin de séparer les princes de leurs sujets, de retrancher en quelque sorte la tète du corps, et là où il y avait une tête mauvaise, d’y remettre la tête par excellence. Prenons un exemple, afin de rendre notre langage plus clair. S’il arrive qu’un tyran soit massacré, on dépose aussi ses images et ses statues, dont on enlève la tète, que l’on remplace par celle de son vainqueur, en sorte que le corps demeurant et la tète retranchée, il n’y a qu’un changement de tête. Il m’est permis d’appliquer cela aux conciliabules des hérétiques : Quand les chefs des hérésies ont été séparés du reste des peuples hérétiques, ceux-ci, à leur place, ont pour tète Jésus-Christ. La précision du langage de l’Écriture sainte est à remarquer : elle ne dit pas : Vous avez retranché ou coupé les têtes des puissants ; elle dit : Vous avez divisé, parce que ce qu’on divise est moins retranché et perdu, que séparé en parties. De même que dans la construction de la tour, [2], la langue, qui avait été unie pour le mal, est séparée en plusieurs, et la plus impie des alliances morcelée par une utile division, de môme ces têtes qui, avec leurs corps, paraissaient avoir une certaine union entre elles – car il y a plusieurs

  1. 1Co. 11, 1
  2. Gen. 12, 1