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montagnes vous ont vu et elles ont enfanté ; » c’est aux montagnes, en effet, qu’il appartient de voir Dieu et d’enfanter les enfants qu’elles ont conçus par l’opération de la parole de Dieu.

Les Septante : « Dispersez les eaux du chemin. » Il y a des eaux de nature différente : les unes éternelles, les autres de courte durée. C’est des eaux éternelles et qui coulent d’Israël qu’il a été dit : « Les fleuves fendront la terre. » Au sujet des eaux subites et qui ne courent qu’un temps, l’Écriture s’exprime ainsi : « Tous les torrents vont à la mer ; » car le terme des eaux de cette sorte, c’est la perdition. Dieu donc dispersera toutes les eaux qui ont été foulées aux pieds par les dogmes pervers, quand il aura ruiné les desseins des princes et la sagesse de ce monde. Quiconque a vu une hérésie qui, après avoir fleuri quelque temps, était ensuite dissipée par la grâce de Dieu, a pu dire : C’est là l’accomplissement de cette parole : « Vous disperserez les eaux du chemin. » Après le mot « chemin », on peut sous-entendre « du diable », en sorte que le sens soit celui-ci : Les eaux que le diable a foulées aux pieds, et qui ont laissé un libre chemin à un grand nombre, c’est-à-dire qui se sont ouvertes à beaucoup d’erreurs, le Seigneur les divisera et les dispersera. Aussi les autres interprètes, pour mettre en relief la fureur hérétique, ont traduit : « Le heurt », ou « l’impétuosité des eaux passera. » Et en effet, elles sont emportées dans le courant rapide de l’éloquence et se précipitent, pour entraîner avec elles toute âme légère qu’elles trouvent sur leur passage. Les Septante : « L’abîme a fait retentir sa voix, et montré la hauteur de son idéal. » Le mot abîme est pris souvent en bonne, souvent aussi en mauvaise part, et parfois indifféremment. En bonne part : « Vos jugements sont un abîme insondable ; » [1] ;… « L’abîme invoque l’abîme, », etc. [2]. En mauvaise part : « Les eaux vous ont vu, mon Dieu, », etc. [3]. Quand les démons supplient Jésus de ne leur point commander de s’en aller dans l’abîme, [4] et dans cet exemple de la Genèse : « Les ténèbres couvraient la face de l’abîme, [5], je ne sais si l’on peut entendre le mot en mauvaise part. Voici maintenant où il est dit indifféremment : « Toutes les sources de l’abîme furent rompues, et les cataractes du ciel furent ouvertes ; » [6] ; et dans le psaume cent quarante-huit : « Vous dragons, et vous tous abîmes : feu, grêle, vents qui excitez les tempêtes ; » à moins qu’on ne crût devoir ici le prendre en mauvaise part, comme énuméré avec les dragons, le feu et la grêle, ce que je ne crois pas qu’on puisse faire, si l’on considère que tout ce qui est nommé dans ce psaume prend part à un hymne de louanges au Seigneur. Voici donc, si l’on prend l’abîme en bonne part, l’explication de la prophétie : Après la dispersion des eaux du chemin du mal, vos sages vous ont vu, et chantant en un chœur où leurs

  1. Psa. 35, 7
  2. Psa. 12, 8
  3. Psa. 81, 17
  4. Luc. 8, 1
  5. Gen. 1, 2
  6. Gen. 7, 11