Page:Jerome - Œuvres complètes, trad. Bareille, tome 9, 1881.djvu/176

Cette page n’a pas encore été corrigée

pas que ce qui est sculpté et ce qui est coulé en fonte soit une seule et même chose : les sculptures s’entendent des images en pierre et en marbre, tandis que les images moulées sont celles qui se font avec des métaux qui se peuvent fondre et couler au moule, comme avec de l’or, de l’argent, de l’airain, du plomb, de l’étain. Je donne cette explication, afin qu’on puisse saisir la nuance qu’il y a, au figuré, entre la sculpture et la fonte.

On lit dans le Deutéronome : « Maudit tout homme qui a fait une sculpture et une fonte, ouvrage des mains d’un artiste, et qui a posé cette image dans le secret. » [1]. J’estime que cette sculpture et cette fonte, ce sont les doctrines mensongères, qui sont adorées par ceux qui les ont faites. Voyez Arius : il fit d’une créature une idole sculptée, et il adora ce qu’il avait sculpté. Songez à Eunome : il coula en fonte une image fausse, et il courba la tête devant cette image qu’il avait fondue* L’expression de l’Écriture : « Et qui placera son ouvrage dans le secret », est significative ; car ils ont, eux aussi, leurs mystères, et comme pour certains disciples parfaits, ils transmettent par tradition des sacrements cachés qui, s’ils sont produits en pleine lumière, sont aussitôt convaincus de fausseté. Leurs simulacres sculptés et moulés en fonte ne leur serviront donc de rien. La sculpture, qui a trait aux pierres, s’entend de ces systèmes dont la sottise apparaît à première vue. La fonte est là où il semble y avoir quelque logique de la sagesse mondaine, et où, comme avec de l’or, une idole a été fondue avec les doctrines des philosophes, resplendissantes d’éloquence. L’ouvrage ne servira donc de rien à son ouvrier ; cette image muette et sourde ne peut entendre celui qui l’adore. S’il arrive de voir un homme qui ne veut pas croire à la vérité, et qui, après que la fausseté de ses croyances a été démontrée, persévère dans le système qui le passionne, on peut dire de lui, en toute justice : Il espère dans l’ouvrage de ses mains, et il se fait des idoles muettes ou sourdes ; car Kôpha, en grec, a l’un et l’autre sens, bien que Symmaque, en traduisant par alala, semble avoir entendu muettes plutôt que sourdes. Enfin, qu’on ne s’émeuve pas de cet idiome des Écritures : « À quoi sert…? a au sujet duquel nous avons expliqué en plusieurs endroits : « Quel est, à votre avis, le dispensateur fidèle et prudent…? » [2], et encore : « Quel est l’homme assez sage pour comprendre ces choses… ? » [3], que quel ou quoi ont le sens de rarement, puisque nous pouvons encore prouver par un autre exemple qu’ils marquent aussi l’impossibilité : « Qui nous séparera de l’amour de Jésus-Christ ? sera-ce l’affliction ou la persécution ? », etc. [4], comme dans le texte actuel : « Que sert la statue au sculpteur qui l’a faite ? » Dans l’un et l’autre cas, il y a impossibilité évidente : ni

  1. Deu. 27, 15
  2. Luc. 12, 42
  3. Psa. 106, 43
  4. Rom. 8, 35