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décidé contre moi par les présents que le juge a reçus. De là vient que la loi est déchirée, et qu’on ne rend jamais la justice, parce que l’impie l’emporte sur le juste, et que les jugements sont corrompus. » C’est encore le Prophète où le peuple qui se plaint au Seigneur de ce que c’est la puissance et non la vérité qui a décidé des jugements contre lui, et que les sentences qui l’ont frappé n’ont rien de conforme à la loi et à la justice. De là vient que ces jugements n’ont pas abouti à leur fin, puisque la fin de tout jugement doit être une sentence juste. Comment il ose parler ainsi, il l’explique dans la suite : c’est parce que l’impie Nabuchodonosor a prévalu contre le juste Juda, [1] que le jugement lui paraît n’avoir pas abouti à sa fin ; parce qu’il est inique et mauvais que le roi juste Josias soit mis à mort par le roi d’Égypte ; [2] ; que Daniel, Ananias, Misaël et Azarias soient en esclavage ; [3] ; que le tyran de Babylone ait l’empire ; que Balthasar boive dans les vases sacrés en compagnie de ses femmes et de ses courtisanes. [4]. Voilà ce qu’a dit le Prophète au sujet des événements de son temps. – Je suis les traces d’une vile histoire, puisque telle est votre volonté.

D’autre part, d’après les Septante, ce sont les Saints se plaignant en commun à Dieu d’être victimes de jugements injustes, de verser leur sang dans les persécutions, et s’il leur arrive de paraître devant un tribunal séculier, de voir le juge, pour des présents reçus, condamner l’innocent et délivrer le coupable. Et ce n’est pas des seuls juges séculiers, mais parfois aussi aux princes des Églises qu’on peut dire qu’ils déchirent la loi pour des présents, qu’ils ne mènent pas le jugement à sa fin véritable, qu’ils font prévaloir l’impie contre le juste, et que, dans leurs jugements, ils défendent la faute du riche contre l’innocence du pauvre. De là cette plainte que du jugement sort une sentence corrompue. Mais cette inégalité ne doit point nous troubler, quand nous voyons, dès l’origine du monde, le juste Abel mis à mort par l’impie Caïn, [5] et plus tard, Jacob en exil pendant qu’Esaü règne dans la maison paternelle, [6] les enfants d’Israël écrasés en Égypte sous les fardeaux de terre et de briques, et Notre-Seigneur lui-même, contre qui on se plaint ici, crucifié par les Juifs, [7] qui lui ont préféré le voleur Barabbas. [8]. Un jour ne me suffirait pas, si je voulais énumérer en combien de manières les impies prévalent et oppriment les justes.


« Jetez les yeux sur les nations et soyez attentifs ; préparez-vous à être surpris et frappés d’étonnement ; car il s’est fait dans vos jours une œuvre que nul ne croira quand il l’entendra dire. » [9]. Les Septante : « Ouvrez les yeux, contempteurs, et voyez ; admirez ces merveilles et soyez dans l’anéantissement ;

  1. 2Ro. 24, 1
  2. 2Ro. 23, 1
  3. Dan. 3, 1
  4. Dan. 5, 1
  5. Gen. 4, 1
  6. Gen. 28, 1
  7. Jn. 19, 1
  8. Jn. 18, 1
  9. Hab. 1, 5