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Ninive, la ville des Assyriens, à rechercher quelles têtes menacent le lourd fardeau qui est ici révélé à la vue du Prophète. Des douze Prophètes, il y en a quatre qui ont usé de ce mot d’« enlèvement » ou de « fardeau » en préambule : trois au commencement de leur livre, Nahum, Habacuc et Malachie, et l’autre, Zacharie, à deux reprises, au milieu : « Fardeau de la parole de Dieu contre la terre d’Hadrac et contre Damas, en qui elle met sa confiance », [1], et vers la fin : « Fardeau de la parole du Seigneur contre Israël. » [2]. J’ai déjà édité, à votre prière, un livre sur Nahum ; je commenterai Zacharie et Malachie, si Dieu me prête vie. Maintenant, nous avons en mains Habacuc, qui est appelé « embrassement », soit parce qu’il aime le Seigneur qui l’aime, soit parce qu’il est au combat et à la lutte avec Dieu et le tient entrelacé, pour ainsi dire, dans ses bras, et alors « embrasseur » a le sens d’athlète. Nul, en effet, n’a osé, d’une voix aussi hardie, provoquer Dieu à la polémique sur sa justice : d’où vient que, dans les choses humaines et dans le gouvernement de ce monde, il y a tant d’iniquité ? « Jusques à quand pousserai-je mes cris vers vous dans la violence que je souffre, sans que vous me sauviez ? Pourquoi me réduisez-vous à ne voir devant mes yeux que des iniquités et des maux ? La loi est déchirée, et l’on ne rend jamais la justice, parce que le méchant l’emporte sur le juste, et que les jugements sont corrompus. » [3] On le voit, il y a presque l’audace du blasphémateur dans cette manière d’entrer en jugement avec son Créateur, dans ce vase fragile qui demande raison au potier de ce qu’il l’a fait d’une façon ou d’une autre. [4]. Il faut bien remarquer aussi que le Prophète voit réellement cet enlèvement ou ce fardeau, qui sont de grands maux, je l’ai déjà dit, et affirmer, contrairement à renseignement impie de Montanus, qu’il comprend ce qu’il voit, qu’il ne parle pas comme un insensé, qu’il ne profère pas des sons dont il n’a pas conscience, à la manière des femmes dans le délire. De là le précepte de l’Apôtre que, si, pendant que les uns prophétisent, quelque révélation est faite à un autre, ceux qui parlaient auparavant se taisent, et il ajoute aussitôt : « Car Dieu est un Dieu de paix, et non de désordre. » [5]. On comprend par là que l’homme qui se tait volontairement pour laisser à un autre la liberté de parler, peut et parler et se taire quand il veut ; tandis que celui qui est en extase, c’est-à-dire parle malgré lui, n’a le pouvoir ni de se taire ni de prendre la parole. Sachez encore, puisque vous exigez rigoureusement que je vous interprète le sens historique, parce que vous vous efforcez de vous élever jusqu’aux sommets les plus hauts des Écritures, par degrés et comme en gravissant une échelle, que cette prophétie est dirigée contre Babylone et contre Nabuchodonosor,

  1. Zac. 9, 1
  2. Zac. 12, 1
  3. Hab. 1, 2 et seqq.
  4. Isa. 45, 1; Jer. 18, 1; Rom. 9,1
  5. 1Co. 14, 1