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croyez pas, regardez cette table, souvenez-vous pourquoi ce prêtre s’y tient, rappelez-vous quel est celui qui y descend, et demeurez muets même avant l’élévation. Si vous voyiez seulement le trône d’un roi, vous seriez excités par l’attente de son arrivée. De même il faut vénérer Dieu, même avant l’élévation ; il faut être muet, et, avant de voir le voile déployé et le chœur des anges qui s’avance, il faut s’élancer vers le ciel. Mais celui qui n’est pas initié aux mystères ignore cela, il lui faut donc d’autres exhortations. Et nous ne manquerons point de paroles qui lui apprennent à se lever, et qui lui persuadent de s’élever sur les ailes de la pensée. Vous donc, qui ignorez les mystères, quand vous entendrez le prêtre dire : Voilà ce que dit le Seigneur : Retire-toi de la terre, vous aussi, montez au ciel, réfléchissez à ce qu’est celui qui, par la voix du prêtre, parle avec vous. Quand un historien cherche à exciter le rire, quand une femme joue le rôle d’une courtisane éhontée, l’assemblée est assise et écoute avec un profond silence ce qui se dit ; cependant personne n’ordonne le silence, et il n’y a ni tumulte, ni clameurs, ni aucun bruit : mais quand Dieu parle du haut du ciel de choses bien autrement étonnantes et vénérables, nous poussons l’impudence au-delà du cynisme, et nous n’accordons pas même à Dieu le même respect qu’aux courtisanes.
6. Avez-vous frémi de ces paroles ? frémissez encore bien plus, si vous vous rendez coupable des mêmes actes. Ce que Paul dit de ceux qui méprisent les pauvres et qui mangent seuls : « N’avez-vous pas des maisons pour manger et pour boire ? Méprisez-vous l’église de Dieu, et voulez-vous faire rougir ceux qui ne possèdent rien » (1Cor. 11,22), permettez-moi de l’appliquer à ceux qui font du bruit et qui parlent à l’église. N’avez-vous pas des maisons pour bavarder ? Méprisez-vous l’église de Dieu ? Et voulez-vous corrompre ceux qui sont modestes et tranquilles ? Mais il vous est doux et agréable de parler à ceux qui vous sont connus. Je ne vous le défends pas, mais faites-le chez vous, sur la place publique, dans les bains ; l’église n’est pas un lieu de conversation, mais d’enseignement. Mais aujourd’hui elle ne diffère en rien d’un marché, et si le mot n’était point trop fort, d’un théâtre, car les femmes qui s’y réunissent sont parées de vêtements plus lascifs et plus impudiques que les courtisanes de la scène. C’est cela même qui y attire beaucoup d’hommes impudiques ; si l’on veut séduire ou corrompre une femme, aucun lieu n’y paraît plus propre, je pense, que l’église ; si l’on veut vendre ou acheter quelque chose, on trouve l’église plus commode que le marché. Car il y a là plus de conversations à ce sujet que dans les boutiques mêmes.
Si l’on veut même blasphémer et entendre des blasphèmes, c’est là qu’on les entendra, plutôt que sur la place publique ; si vous voulez apprendre les affaires de la ville, ce qui se passe dans les maisons et dans les camps, n’allez pas au tribunal, ne demeurez pas dans la boutique des médecins ; c’est ici qu’on les annonce le plus exactement, ce lieu est tout plutôt qu’une église. Je vous ai peut-être réprimandés fortement ; pour moi, je ne le pense pas. Si vous persévérez dans votre égarement, comment pourrai-je savoir que mes paroles vous ont touchés. Il est donc nécessaire de répéter mes réprimandes. Cela est-il tolérable ? Cela est-il supportable ? Tous les jours nous nous fatiguons et nous nous épuisons pour vous renvoyer avec quelque instruction utile, et cependant personne de vous ne se retire avec quelque profit, mais avec un dommage plus grand encore ; car vous vous rendez coupables, quand vous n’avez aucune occasion de pécher, et par vos importunes bagatelles vous chassez ceux qui valent mieux que vous et qui se tiennent tranquilles ; mais que disent la plupart : je n’entends point, disent-ils, ce qu’on lit ; je ne sais point ce qu’on dit ; c’est parce que vous faites du bruit et du tapage, et que vous n’arrivez point avec un esprit doué du sens de piété. Que dites-vous ? Vous ne savez ce que signifient ces paroles ; c’est pour cela même qu’il fallait faire attention. Et si ce qui est obscur n’excite point votre esprit, vous feriez moins attention encore à ce qui serait clair et manifeste. C’est pour cela que tout n’est pas clair, afin que votre attention ne soit pas paresseuse, et que tout n’est pas obscur, afin que volis ne désespériez pas de le comprendre. Un eunuque, un barbare ne parlent point ainsi, mais, lors même qu’ils sont accablés d’une multitude d’affaires, et qu’ils sont au milieu de la rue, ils ont un livre à la main et ils lisent ; et vous, qui avez cette foule de docteurs et des gens qui lisent pour vous, vous