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dans les délices demeurent dans les palais des rois. » (Lc. 7,25)
Si donc, mes frères, un homme dont toute la vie a été si sainte, qui était plus pur que le ciel même, le plus excellent des prophètes, le plus grand de tous les hommes, et qui s’approchait do Dieu avec tant de liberté et de confiance, ne laisse pas néanmoins de souffrir tant de travaux, de mépriser si hautement les délices et de passer toute sa vie dans les rigueurs et dans les austérités, comment pourrons-nous, nous autres, excuser notre délicatesse, puisqu’après tant de grâces que nous avons reçues, après tant de péchés qui nous accablent, nous n’imitons pas la moindre partie de sa pénitence ? Nous nous plongeons dans les festins et dans les excès de table ; nous recherchons les plus excellents parfums ; nous nous habillons comme ces femmes perdues qui montent sur le théâtre ; et, dans Cette mollesse générale à laquelle nous nous abandonnons, nous ouvrons cent portes au démon afin qu’il entre dans notre âme et s’en rende maître.
5. « Alors ceux de Jérusalem, de toute la Judée, et de toute la contrée, des environs du Jourdain venaient à lui, et confessant leurs péchés, ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain. » Vous voyez par là quelle force avait la présence de ce saint homme, combien de peuples il s’attirait de toutes parts, et comment il les faisait rentrer en eux-mêmes et se souvenir de leurs péchés. Car c’était un miracle de voir un homme dans un tel habit, qui parlait avec tant de liberté ; qui reprenait tous les hommes comme des enfants ; et dont le visage même rayonnait de l’éclat d’une grâce tout extraordinaire.
Mais ce qui redoublait encore, leur admiration, c’est qu’il y avait fort longtemps qu’ils n’avaient vu de prophète, car cette grâce leur avait été retirée, et elle apparaissait de nouveau après une longue disparition, c’était encore la prédication de saint Jean qui était nouvelle et fort différente de celle des autres prophètes. II ne prédisait point comme eux des guerres, des combats, des victoires ; ni ces autres fléaux de Dieu, la peste et la famine ; les irruptions de Babylone et de la Perse ; la captivité de leur ville, ni rien de semblable. Il ne parlait que du ciel, que d’un royaume sans fin, et des supplices de l’enfer.
Le souvenir du massacre encore récent des factieux qui s’étaient rassemblés autour de Judas et de Theudas dans le désert, n’empêchait pas cette foule d’hommes de quitter les villes et les bourgades pour courir aux prédications du nouveau prophète. C’est que les discours de Jean étaient bien différents de ceux de ces imposteurs ; il ne portait ceux qui l’approchaient ni à usurper la royauté, ni à la révolte, ni à des entreprises nouvelles ; mais il ne pensait qu’à les faire entrer dans le royaume du ciel. Il ne les retenait point auprès de lui, il ne les emmenait point dans le désert, mais après les avoir baptisés et instruits de la plus haute sagesse, il les renvoyait chez eux. Il ne leur apprenait qu’à mépriser tout ce qui est de la terre, qu’à désirer les biens éternels, et à les rechercher chaque jour avec plus d’ardeur.
6. Tâchons, mes frères, d’imiter ce Saint ; renonçons à toute sorte d’excès et de débauches, et réduisons-nous à une vie sobre et tempérante. Voici le temps solennel de la pénitence qui approche, tant pour ceux qui ont été baptisés, que pour les catéchumènes : pour les baptisés, afin qu’ayant fait pénitence ils soient reçus à la participation des mystères sacrés ; pour les catéchumènes, afin que les taches de leurs péchés étant effacées par les eaux du baptême, ils approchent de la table du Seigneur avec une conscience pure. Quittons donc nos débauches et nos dissolutions. Car les larmes de la pénitence, et les plaisirs du corps ne peuvent s’accorder ensemble. Que la vie de saint Jean-Baptiste, son habit, son manger, et sa demeure, nous servent d’instruction et d’exemple.
Mais quoi, me direz-vous, voulez-vous nous obliger à mener une vie si austère et si pénible ? Je ne vous y oblige pas absolument, mais je vous conseille et vous exhorte do l’embrasser. Que si vous ne pouvez pas la suivre, faites au moins paraître des actions, de pénitence en demeurant dans les villes. Car le jugement est proche, et, quand il serait éloigné, on ne devrait pas vivre avec moins de crainte, puisque la fin particulière de chacun de nous nous tient lieu de la fin générale du monde. Mais pour vous montrer qu’il est proche, et à notre porte, écoutez saint Paul qui dit : « La nuit est avancée et le jour approche. » (Rom. 3,12) Et en un autre endroit : « Celui qui doit venir viendra et ne tardera point. » (Hébr 10,37)
Il est certain que, nous voyons déjà presque arrivés les signes qui semblent comme appeler