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la regardant comme la meurtrière de ses maris. Car c’était là l’humeur des Juifs ; et si nous voyons qu’aujourd’hui même plusieurs chrétiens auraient horreur d’épouser une telle femme, combien plus en devaient avoir les Juifs ? C’est pourquoi ils ne voulaient point se marier à ces belles-sœurs, lorsque leurs frères étaient morts, quoique la loi les y contraignît, comme on peut le voir à propos de Ruth la Moabite et de Thamar. Mais d’où vient que ces sadducéens feignent, non pas que deux ou trois seulement, mais que sept frères ont tous eu une même femme ? C’était pour avoir, comme ils le croyaient, plus de preuves contre la résurrection, et pour embarrasser davantage Jésus-Christ. Jésus-Christ éclaircit en même temps l’une et l’autre de ces deux difficultés, en ne répondant pas tant à leurs paroles qu’à leurs pensées. Il découvre toujours ce que ses ennemis cachaient dans leurs cœurs lorsqu’ils le tentaient : mais il le fait quelquefois ouvertement, et il se contente quelquefois de ne le faire qu’en secret, et de ne le témoigner qu’à ceux qui l’interrogeaient.
Admirez donc, mes frères, comment il montre que les morts ressusciteront ; et fait voir en même temps que ce n’était point de la manière que les sadducéens le croyaient : « Vous êtes dans l’erreur », leur dit-il, « parce que vous ne comprenez ni l’Écriture, ni la puissance de Dieu ». Ils avaient cité Moïse et la loi comme étant fort intelligents dans l’Écriture. Et Jésus-Christ leur montre au contraire que leur demande supposait une ignorance grossière et profonde, et qu’ils ne lui faisaient cette question que parce qu’ils avaient peu de connaissance de la puissance de Dieu et de l’Écriture. Faut-il s’étonner, leur dit-il, que vous entrepreniez de me tenter, moi que vous ne connaissez pas encore, lorsque vous ne comprenez pas même quelle est la puissance de Dieu après tant de preuves que vous en avez reçues, et que ni le sens commun, ni l’intelligence de l’Écriture, n’ont pu encore vous la faire connaître. Car le sens commun ne fait-il pas voir à tous les hommes que tout est possible à Dieu ? Il répond d’abord à leur question ; et comme ce qui leur faisait croire qu’il n’y aurait point de résurrection un jour, c’était qu’ils se la figuraient d’une manière toute charnelle, et qu’ils s’imaginaient que les hommes seraient alors tels que nous sommes en cette vie, le Sauveur commence par réfuter cette erreur, en leur faisant concevoir une idée bien différente de ce mystère.
3. « Après la résurrection, les hommes n’auront point de femmes, ni les femmes de maris ; mais ils seront comme les anges de Dieu dans le ciel (30) ». Saint Luc dit : « comme les enfants de Dieu ». Si donc il n’y a point de noces après la résurrection, leur question était superflue. Remarquez ici, mes frères, que ce n’est pas parce qu’ils ne se marieront point, qu’ils seront des anges, mais que c’est parce qu’ils seront comme des anges, qu’ils ne se marieront point. Jésus-Christ par cela seul détruit une infinité d’erreurs, et saint Paul comprend toutes ces vérités dans ce seul mot : « La figure de ce monde passe ». (1Cor. 7,31). Tel est donc l’état où Jésus-Christ marque que nous devons être après la résurrection. Mais quoiqu’il montre par ces paroles la vérité de la résurrection, il ne laisse pas de la prouver encore par l’autorité de l’Écriture ; car il ne se contente pas de répondre à leur question, mais il éclaircit même les difficultés qui tenaient leur esprit embarrassé. Lorsque ce n’était point une malice tout à fait noire qui les portait à lui faire ces demandes, et qu’il y avait en effet de l’ignorance chez eux, Jésus. Christ ne refusait pas de les instruire de la vérité à fond et avec beaucoup d’étendue : mais lorsqu’il ne paraissait que de la malignité dans leur conduite, il ne leur répondait plus. Il veut donc encore les confondre ici par l’autorité de Moïse même dont ils s’étaient appuyés.
« Quant à la résurrection des morts, n’avez-vous point lu ces paroles que Dieu vous a dites (31) : Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob ? Or, Dieu n’est point le Dieu des morts, mais des vivants (32) ». Dieu ne peut être le Dieu de ceux qui ne sont plus, et qui, étant tout à fait dans le néant, ne ressusciteront jamais. Car il ne dit pas : J’étais le Dieu, mais « Je suis le Dieu d’Abraham, etc », c’est-à-dire de ceux qui sont encore et qui vivent. Car, si Adam, quoique vivant dans le corps, était néanmoins véritablement mort aux yeux de Dieu dès qu’il eut mangé du fruit défendu, et que Dieu lui eut prononcé sa sentence : ces saints patriarches, au contraire, quoique morts, étaient néanmoins vivants aux yeux de Dieu par la promesse qu’il leur avait faite de la résurrection. Ce que saint Paul dit ailleurs, qu’il « doit dominer