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« qui soit incurable ». (Mal. 4,5) Remarquez, mes frères, l’exactitude des paroles de ce prophète. Comme la ressemblance du même ministère pouvait faire donner à saint Jean le nom d’Élie, il a soin, pour éviter cette confusion, de marquer le pays de l’un, et il l’appelle « Thesbite », pour le distinguer de saint Jean qui n’était pas de cette ville. Il les distingue encore l’un de l’autre par cette seconde marque, « afin », dit-il, « que lorsque je viendrai », je ne frappe point la terre d’une plaie qui soit « incurable » : paroles qui nous font voir quelle sera la terreur du second avènement. Car il n’est pas venu la première fois. Pour « frapper la terre ». Il dit lui-même : « Je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour le sauver ». (Jn. 3,16) Le prophète Malachie marque donc cette circonstance, pour faire voir qu’Élie ne précéderait que le dernier avènement de Jésus-Christ, lorsqu’il viendrait juger le monde.
Il exprime en même temps le sujet pour lequel Élie lui servirait de précurseur. Il dit que ce serait pour persuader aux Juifs de croire en Jésus-Christ, et de ne s’exposer pas au danger de périr tous lorsqu’il viendrait. C’est ce que Jésus : Christ leur rappelle lorsqu’il dit : « Quand Élie viendra, il rétablira toutes choses », c’est-à-dire qu’il rétablira la foi des Juifs qui seront alors, et qu’il les amènera de leur incrédulité passée à une foi humble et fervente. Et il faut encore remarquer l’exactitude de ce prophète. Il ne dit pas : « Il réunira les cœurs des enfants avec leurs pères », mais « le cœur des pères avec leurs enfants ». Comme les Juifs étaient les pères des apôtres, l’Écriture marque qu’Élie réunirait les cœurs des pères, c’est-à-dire les sentiments des Juifs avec leurs enfants, c’est-à-dire avec les apôtres, et qu’il leur ferait embrasser leur doctrine sainte.
« Mais je vous déclare qu’Élie est déjà venu, « et ils ne l’ont point connu, mais ils l’ont traité comme il leur a plu ; ils feront souffrir de même le Fils de l’homme (12). Alors ses disciples, reconnurent que c’était de Jean-Baptiste qu’il leur avait parlé (13) ». Les apôtres comprennent cela d’eux-mêmes. Les docteurs de la loi, ni l’Écriture rie leur en disaient rien. Mais comme ils devenaient plus éclairés, et plus attentifs à ce que Jésus-Christ leur disait, ils le comprennent sans difficulté, surtout après ce que Jésus-Christ leur avait déjà dit dans une autre rencontre:, « Que Jean était Élie qui doit venir ». (Mt. 11,27) Et il ne faut pas s’étonner si, après avoir dit « qu’Élie est déjà venu », il dit néanmoins qu’il doit venir encore pour rétablir toutes choses. L’un et l’autre était véritable. Quand il dit « qu’Élie viendrait pour rétablir tout », il marque, comme j’ai dit, le véritable Élie et la conversion des Juifs ; et lorsqu’il dit « qu’il est déjà venu », il marque saint Jean qu’il appelle Élie, parce qu’il remplissait la mission que remplissait Élie. Les prophètes usent de cette manière de parler, lorsqu’ils donnent en beaucoup d’endroits le nom de « David » aux rois qui ont imité la piété et le zèle du véritable David ; et lorsqu’ils appellent les, Juifs « princes de Sodome et enfants d’Éthiopie (Isaïe 1, 13)», à cause de la corruption et du dérèglement de leurs mœurs. Ainsi, parce que saint Jean avait été le précurseur du premier avènement comme Élie le devait être du second, Jésus-Christ lui donne le nom d’Élie.
2. Il le fait encore pour montrer qu’il ne combattait point les Écritures, et qu’il s’accordait parfaitement avec les prophètes. C’est pourquoi il ajoute « Je vous déclare qu’Élie est déjà venu, et ils ne l’ont point connu, mais ils l’ont traité comme il leur a plu ». C’est-à-dire, qu’ils l’ont mis en prison, Qu’ils l’ont outragé ; qu’ils l’ont fait mourir, et qu’ils ont mis sa tête dans un bassin pour être le prix de la danse d’une fille. C’est ainsi que le Fils de l’homme sera traité par eux. Vous voyez, mes frères, que Jésus-Christ fait naître l’occasion de parler encore ici de sa mort et de ses souffrances, et qu’il console la douleur que ses disciples en ressentaient, par le souvenir de ce qu’avait souffert saint Jean et par les miracles qu’il fit aussitôt qu’il leur en eut parlé.
Car presque toutes les fois qu’il entretient ses apôtres de ce sujet, il fait quelque miracle en leur présence pour les rassurer. Lorsque l’Évangile dit : « Alors il commença à leur déclarer qu’il fallait qu’il allât à Jérusalem, et qu’il y souffrit beaucoup de choses » ; il marquait par ce terme « alors », le moment que les apôtres venaient de connaître et de confesser, publiquement que Jésus-Christ était le « Fils de Dieu » : de même, lorsqu’il leur a fait voir cette vision admirable sur la montagne, et que les prophètes ont dit beaucoup de choses touchant sa gloire, il leur parle aussitôt de sa passion, et après avoir rapporté