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selon mon cœur ? » (1Sa. 13,14) Quel mort ont ressuscité Abraham, Isaac et Jacob ? Quel lépreux ont-ils guéri ?
Ne savez-vous pas que souvent les miracles nous nuisent, si nous ne veillons sur nous ? Qu’est-ce qui a divisé les Corinthiens les uns d’avec les autres, sinon les miracles ? Qu’est-ce qui a été cause que beaucoup d’entre les Romains sont tombés dans l’égarement sinon les miracles ? N’est-ce pas ce qui a perdu Simon le Magicien, aussi bien que ce disciple qui voulait suivre Jésus-Christ et à qui le Sauveur dit cette parole : « Les renards ont des tanières « et les oiseaux du ciel ont des nids ? » (Mt. 8,13) Car l’un de ces deux était avare et l’autre ambitieux, et, en voulant satisfaire leur passion par les miracles, ils tombèrent dans le malheur qui les a perdus. La vertu au contraire et la sainteté de la vie, non seulement ne fait point naître en nous ce désir ; mais elle nous l’ôte même, lorsque nous l’avons.
Quand Jésus-Christ instruisait ses disciples, leur disait-il : Faites des miracles, afin que les hommes les voient ? Nullement. Mais : « Que votre lumière luise devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils en glorifient votre Père qui est dans les cieux. » (Mt. 5,17) Il ne dit pas non plus à saint Pierre : « Si vous m’aimez », faites des miracles ; mais « paissez mes agneaux. » (Jn. 21,15) Et, lorsqu’il le préférait, avec saint Jacques et saint Jean à tous les autres apôtres, était-ce à cause de ses miracles ? Ne guérissaient-ils pas tous également les lépreux ? ne ressuscitaient-ils pas également les morts ? n’avaient-ils pas tous reçu la même puissance ? Pourquoi donc préférait-il ces trois disciples aux autres, sinon à cause de la grandeur de leur vertu et de leur courage ?
4. Il est donc clair que ce que Dieu cherche en nous, c’est la bonne vie et les actions saintes : « Vous les connaîtrez », dit Jésus-Christ, « par leurs œuvres. » (Mt. 7,15) Et qu’est-ce qui rend nos actions saintes ? Sont-ce les miracles ou les vertus qui en sont la source et qui se terminent enfin à ce don ? Car la sainteté de la vie attire cette grâce de faire des choses miraculeuses, et celui qui la reçoit ne la reçoit que pour édifier les autres et les convertir.
Pourquoi Jésus-Christ a-t-il fait tant de miracles, sinon afin qu’en se rendant digne d’être cru, il attirât les hommes à la foi, et les fît entrer ainsi dans une vie pure ? C’est là la fin qu’il s’est proposée. C’est pour cela qu’il a fait tant de prodiges, qu’il a joint à ses miracles les menaces de l’enfer, et la promesse d’un royaume éternel ; qu’il nous a prescrit des lois si pures et si inconnues au monde ; et tout ce qu’il a fait sur la terre a eu pour but de rendre les hommes non seulement saints, mais égaux aux anges.
Telle a été l’unique fin du Sauveur dans tout ce qu’il a fait. Mais que dis-je, du Sauveur ? Vous-même, si Dieu voulait vous donner le pouvoir ou de ressusciter les morts au nom de Jésus-Christ, ou de mourir pour lui, laquelle de ces deux grâces choisiriez-vous ? Ce serait sans doute la seconde, parce que la première ne serait qu’une action extérieure que Dieu ferait par vous, au lieu que la seconde serait une action qui sanctifierait et couronnerait votre vie. Si l’on vous offrait de même, ou la puissance de changer tout le foin du monde en or, ou la grâce de mépriser tout l’or du monde comme du foin, ne préféreriez-vous pas ce second avantage au premier ? Et certes ce serait avec grande raison, puisqu’il n’y aurait point de miracle qui pût faire autant d’impression sur les hommes pour les attirer à Dieu, que ce mépris des richesses. S’ils vous voyaient changer le foin en or, ils en seraient encore plus avares, et ils désireraient en même temps d’avoir cette puissance, comme il arriva à Simon le Magicien ; mais s’ils voyaient au contraire tout le monde fouler aux pieds l’argent comme du foin, ils seraient bientôt guéris de leur avarice.
Vous voyez donc, mes frères, que rien ne sert tant aux hommes, que rien ne les rend si illustres que la bonne vie. J’appelle une bonne vie, non pas de, jeûner ou de coucher sur la cendre, ou de vous revêtir d’un sac, mais d’avoir un mépris de la richesse aussi sincère et aussi effectif qu’on le doit avoir, d’aimer tout le monde avec une charité tendre et véritable, de partager notre pain avec les pauvres, de vaincre la colère, de fouler aux pieds la vanité et l’orgueil, et d’étouffer tous les mouvements de l’envie.
Ce sont là les instructions que Jésus-Christ lui-même nous a données : « Apprenez de moi », dit-il, « que je suis doux et humble de cœur. » (Mt. 11,27) Il ne dit pas : Apprenez de moi que j’ai jeûné ; quoi qu’il pût nous proposer son jeûne de quarante jours ; mais ce n’est pas ce