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rendra justice à lui-même. C’est ce que marquent ces paroles suivantes : « Jusqu’à ce qu’il rende victorieuse la justice de sa cause (20). » Saint Paul dit la même chose : « Nous avons en notre main le pouvoir de punir toute désobéissance, lorsque vous aurez satisfait à tout ce que l’obéissance demande de vous. » (1Cor. 10,7) Que veulent dire ces paroles : « Jusqu’à ce qu’il rende victorieuse la justice de sa cause ? » C’est-à-dire, jusqu’à ce qu’il ait accompli ce qui le regarde. C’est alors qu’il tirera une vengeance éternelle de ses ennemis, Ils souffriront alors des peines cruelles, lorsqu’il aura fait éclater « sa victoire », lorsqu’il aura fait voir « la justice de sa cause », et lorsque l’impudence de ses ennemis deviendra muette et sera couverte de confusion et de honte. Ce jugement ne se terminera pas seulement à punir les coupables, mais à attirer encore à lui toute la terre. « Et les nations espéreront en son nom (21). » Et pour marquer que cela se faisait ainsi par l’ordre et par la disposition du Père, le Prophète commence d’abord par ces paroles : « Voici mon Fils que j’ai élu, mon bien-aimé dans lequel mon âme a mis toute son affection. » Car il est visible qu’un Fils qui est aimé de la sorte ne fait rien qu’avec le consentement de son père.
3. « Alors on lui présenta un possédé aveugle et muet, lequel il guérit, en sorte que cet homme qui était auparavant aveugle et muet commença à parler et à voir (22) » Combien est grande, mes frères, la malice du démon ! Il ferme les deux voies par lesquelles cet homme pouvait croire en Jésus-Christ, en lui ôtant la parole et la vue Mais Jésus-Christ lui rend l’une et l’autre « Et tout le peuple fut rempli d’admiration, et ils disaient : N’est-ce pas là le fils de David (23) ? » Ce qu’entendant les pharisiens, ils dirent : « Cet homme ne chasse les démons que par la vertu de Béelzébub, prince des démons (24). » Quelle louange si extraordinaire ce peuple donnait-il à Jésus-Christ, et quel sujet les pharisiens avaient-ils de s’en scandaliser ? Mais ils ne peuvent supporter ces louanges, et comme je l’ai déjà dit, les bienfaits que les hommes reçoivent de lui irritent ces pharisiens. Ce qui réjouit tous les autres est pour eux une affliction sensible, et là guérison certaine et indubitable des hommes leur perce le cœur. Il s’était retiré de devant eux ; il avait donné lieu à leur passion de s’apaiser ; mais elle se renouvelle, aussitôt en voyant un homme guéri de nouveau. Ainsi leur fureur en cette rencontre a surpassé même celle du démon. Car nous voyons que le démon cède à la toute-puissance de Jésus-Christ, il s’enfuit du corps qu’il possédait, et il demeure dans le silence ; mais ceux-ci, après un si grand miracle de Jésus-Christ, s’efforcent ou de lui ôter la vie, ou de le perdre d’honneur. Et voyant qu’ils n’avaient pas assez de pouvoir pour le faire mourir, ils tâchent au moins de noircir sa réputation par leurs calomnies.
Vous voyez, mes frères, par cet exemple, ce que c’est que l’envie, et ce que peut dans une âme, ce mal, qu’on peut appeler le plus grand des maux. L’adultère cherche une malheureuse satisfaction son crime, et il le commet en peu de temps ; mais l’envieux se punit et se tourmente longtemps, lui-même avant que de tourmenter les autres : il est tellement possédé de sa passion, qu’elle ne lui donne point de trêve. Son crime se commet et dure toujours.
Comme le pourceau trouve son plaisir dans la boue, et les démons dans notre perte : l’envieux du même trouve ses délices dans l’affliction de son frère. S’il lui voit arriver quelque mal, est alors qu’il respire et qu’il trouve du repos. Il se réjouit de ce qui afflige les autres Il compte leurs pertes au nombre de ses bonnes fortunes, et leurs avantages sont ses plus grandes disgrâces. Enfin il ne s’arrête pas tant à considérer le bonheur qui lui arrive que le malheur qui arrive aux autres.
Ne faudrait-il pas lapider ces sortes de gens ? Ne faudrait-il pas leur arracher la vie par mille tortures, eux qui comme des chiens enragés aboient contre tout le monde, qui sont comme des démons visibles, et pires que ces furies que les fables ont invitées ? Comme il y a des animaux qui ne se repaissent que d’ordures personnes aussi ne se nourrissent que de la misère des autres, et ils se déclarent ennemis communs de tous les hommes.
Nous avons souvent de la compassion pour les bêtes, même lorsqu’on les tue ; mais vous cruel, lorsque vous voyez un homme guéri, vous devenez furieux comme une bête farouche, et vous en séchez d’envie. Peut-on trouver rien de plus détestable que cet excès ? N’est-ce donc pas avec raison que les fornicateurs et les publicains ont trouvé accès au royaume