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et ce juste recevront de Dieu C’est ce que disait saint Paul : « Afin que votre abondance supplée à leurs besoins et que leur abondance aussi supplée à ce qui vous manque. » (1Cor. 8,14) Et pour empêcher qu’on ne s’excuse sur la pauvreté, il dit : « Quiconque donnera seulement à boire un verre d’eau froide à l’un de ces plus petits parce qu’il est de mes disciples, je vous dis en vérité qu’il ne sera point privé de sa récompense (42). » Un verre d’eau froide ne vous coûte rien ; et néanmoins je vous récompenserai. Parce que, lorsque je vous envoie mes disciples, je le fais pour votre avantage et non pour le leur.
3. Considérez, mes frères, combien de raisons Jésus-Christ apporte pour persuader aux hommes de recevoir ses apôtres, et comme il ouvre à ceux-ci les maisons de toute la terre, en leur faisant voir combien tous les hommes leur seront redevables. Nous pourrions compter jusqu’à neuf raisons : La première est que « celui qui travaille mérite qu’on le nourrisse. » La seconde, qu’il les envoie sans rien, et presque tout nus. La troisième, qu’il les expose à des combats et à de grands périls pour le bien de ceux qui les recevraient. La quatrième, qu’il leur donne le pouvoir de faire de grands miracles. La cinquième, qu’à leur seule parole, cette paix qui est le comble de tous les biens devait entrer dans la maison où ils auraient été reçus. La sixième, qu’il menace de punir ceux qui ne les recevraient pas, plus sévèrement que Sodome et que Gomorrhe. La septième, qu’il assure qu’en recevant ses disciples, on le recevrait lui-même et Dieu son Père. La huitième, qu’il promet à ceux qui les recevront la récompense qui est due au juste et au prophète. Et enfin la neuvième, c’est qu’il promet de récompenser jusqu’à un verre d’eau froide qu’on leur donnera.
Il ne faudrait qu’une seule de ces considérations pour persuader aux chrétiens de recevoir avec grande joie dans leurs maisons les ministres de Jésus-Christ. Car, qui serait assez dur pour voir un général d’armée, qui revient du combat, chargé de dépouilles, et en même temps percé de coups et couvert de sang, et qui ne s’estimerait pas heureux de lui ouvrir toutes ses portes, et d’honorer sa maison en l’y recevant ?
Vous me direz peut-être : Mais qui ressemble aujourd’hui aux apôtres, pour mériter qu’on le reçoive de la sorte ? Jésus-Christ répond à cette pensée en ajoutant ces paroles avec tant de soin : « Celui qui reçoit mon disciple en qualité de juste, de prophète et de disciple », pour marquer qu’il récompenserait cette charité, non selon le mérite, de celui que l’on reçoit, mais selon le zèle de celui qui l’aurait reçu.
Souvenez-vous donc, mes frères, que si Jésus-Christ nous exhorte ici à recevoir les apôtres, les prophètes, les justes et ses disciples, il nous commande ailleurs de le recevoir lui-même en la personne des pauvres et de ceux qui paraissent lés derniers des hommes, et qu’il menace des plus grands supplices ceux qui refuseraient de les recevoir : « Autant de fois », dit-il, « que vous avez rendu ces devoirs de charité aux moindres de mes frères, c’est à moi-même que vous les avez rendus. Et autant de fois que vous avez manqué de rendre ces assistances aux moindres de ces petits, vous avez manqué de me les rendre à moi-même. » (Mt. 25,40) Quoique celui qui implore votre charité n’ait rien de grand ni d’estimable, il ne laisse pas d’être homme comme vous, d’être dans le même monde, de voir le même soleil, d’avoir une âme semblable à la vôtre, d’adorer le même Dieu, de participer aux mêmes mystères, d’être appelé au même royaume, et d’y avoir même plus d’entrée et plus de droit que vous par le mérite de sa pauvreté.
Je vous vois souvent combler de dons ces importuns qui viennent au fond de l’hiver vous réveiller au son des trompettes et des instruments de musique. Vous ne refusez pas votre argent à des bouffons, à des gens qui se noircissent le visage pour avoir la liberté d’offenser tout le monde impunément ; et si un pauvre, qui n’a pas un morceau de pain, vous va demander l’aumône, vous vous emportez contre lui, vous lui dites cent injures, vous l’accusez de paresse, et vous vous répandez en insultes et en invectives. Vous ne considérez pas que vous êtes vous-mêmes mille fois plus paresseux que ce pauvre que vous outragez, et que néanmoins Dieu ne laisse pas de vous combler de ses biens.
Et ne me dites point que vous travaillez beaucoup. Il n’est pas question de savoir si vous faites quelque chose, mais si vous faites ce qu’il serait nécessaire que vous fissiez. Si vous ne me parlez que de votre trafic, de vos usures et