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vous pas crier du haut de sa croix : « Pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. »(Lc. 23,34) N’entendez-vous pas saint Paul qui dit : « Jésus-Christ est ressuscité, et est monté au ciel, et est assis à la droite de Dieu, où il intercède pour nous ? » (Rom. 8,34) Ne savez-vous pas qu’après sa mort et après sa résurrection il envoya aux Juifs qui l’avaient tué, ses apôtres pour les combler de biens, quoique ces mêmes juifs dussent leur faire souffrir mille maux ?
Mais vous dites qu’on vous a cruellement offensé. L’avez-vous été autant que votre Seigneur ? Avez-vous été comme lui chargé de chaînes, battu de verges, outragé de soufflets, couvert de crachats par les derniers de tous les hommes, condamné à la mort, et à la mort la plus cruelle et par des personnes qui vous avaient des obligations infinies ? Si votre frère vous a beaucoup offensé, efforcez-vous de lui faire plus de bien, afin de rendre votre couronne plus illustre, et de délivrer votre frère du profond assoupissement où vous le voyez. Plus les frénétiques frappent les médecins, et plus ceux-ci les plaignent, plus ils s’appliquent à les guérir parce qu’ils savent que cet outrage n’est qu’un effet de la violence de la maladie. Imitez cette conduite à l’égard de vos ennemis, et traitez ainsi ceux qui vous outragent. Ces personnes sont vraiment malades. Elles souffrent une véritable violence. Délivrez-les donc de cette langueur mortelle. Aidez-les à vaincre leur passion, et à chasser d’eux ce démon cruel de la colère et de la fureur.
Nous pleurons sur les possédés lorsqu’ils se présentent à nous ; et non seulement nous ne tâchons pas, mais nous appréhendons extrêmement d’être possédés comme eux. Agissons de même à l’égard de ceux qui sont transportés de fureur. Le démon les possède comme ceux qu’on appelle proprement possédés, et d’autant plus malheureusement, qu’ils sont furieux sans avoir perdu l’esprit. Ainsi leur folie est d’autant plus inexcusable qu’elle est volontaire. N’insultez donc point à ces malades, mais ayez compassion d’eux.
5. Quand nous voyons une personne tourmentée de la bile, et qui témoigne par le soulèvement de son estomac, qu’elle veut rejeter quelque humeur maligne ; nous lui tendons la main pour la soutenir, nous n’appréhendons point que nos habits soient gâtés, et nous ne pensons qu’à la secourir. Traitons ainsi ces autres malades ; supportons-les pendant qu’ils jettent tout leur feu, et toute leur mauvaise humeur ; et ne les quittons point qu’ils ne s’en soient, entièrement déchargés. Ce sera alors qu’ils comprendront l’obligation qu’ils vous ont, et qu’ils reconnaîtront de quelle maladie vous les aurez délivrés. Que dis-je, qu’ils reconnaîtront l’obligation qu’ils vous auront ? Dieu même vous récompensera d’une couronne de gloire, et vous comblera de biens, parce que vous aurez sauvé votre frère d’une maladie si dangereuse. Cet homme vous re gardera toute sa vie comme son maître ; et il aura un profond respect pour votre modération et votre douceur.
Ne voyez-vous pas tous les jours que les femmes qui sont dans les douleurs de l’enfantement, mordent et déchirent celles qui les assistent, sans que celles-ci le sentent ; ou plu tôt elles le sentent, mais elles le supportent avec courage dans la compassion qu’elles ont des douleurs excessives que souffrent ces femmes en cet état. Imitez au moins ces personnes, et ne soyez pas plus délicat que des femmes.
Quand ceux qui vous outragent, et qui sont en effet plus pusillanimes que les femmes, auront jeté dehors, et comme enfanté cette fureur qu’ils avaient conçue, ils admireront votre courage, et ils reconnaîtront que vous êtes véritablement homme. Que si ce que je vous dis vous paraît pénible, souvenez-vous que Jésus-Christ s’est fait homme pour vous imprimer cette modération dans le cœur, et pour nous mettre en état d’être également utiles à nos amis et à nos ennemis. C’est pourquoi il nous commande d’avoir soin des uns et des autres : de nos amis et de nos frères, lorsqu’il nous commande de quitter l’offrande à l’autel pour aller nous réconcilier avec eux, et de nos ennemis, lorsqu’il nous ordonne de le aimer et de prier pour eux. Il ne nous y exhorte pas seulement par l’exemple de Dieu, mais encore par un autre tout contraire. « Car si vous n’aimez que ceux qui vous aiment, quelle récompense en aurez-vous ? Les publicains ne le font-ils pas aussi(46) ? » Saint Paul dit la même chose : « Vous n’avez pas encore résisté jusqu’à répandre le sang en combattant contre le péché. » (Hébr, 12,4) Si donc vous faites ce que je dis, vous demeurerez uni à Dieu, mais si vous le négligez, vous serez au rang des publicains. Que si