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de vils imposteurs et pour consoler un peu ses disciples, il s’exprime ainsi : Quant aux avantages qu’ils osent s’attribuer, je veux bien faire une imprudence en me rendant aussi hardi qu’eux. Quelle leçon dans ces paroles ! L’Apôtre appelle la louange qu’il va se donner une hardiesse et une imprudence ; et il nous apprend ainsi que, sans une pressante nécessité, il ne faut jamais divulguer nos bonnes œuvres, si toutefois nous en avons fait quelqu’une : Quant aux avantages qu’ils s’attribuent, je veux bien faire une imprudence en me rendant aussi hardi qu’eux, c’est-à-dire, je cède à la nécessité et je consens à faire acte de hardiesse et d’imprudence. Sont-ils Hébreux ? je le suis aussi ; sont-ils Israélites ? je le suis aussi ; sont-ils de la race d’Abraham ? j’en suis aussi. Ils se glorifient, dit-il, et ils s’enorgueillissent de ces avantages, mais je n’en suis point dépourvu, je les possède comme eux. Il ajoute ensuite : Sont-ils ministres de Jésus-Christ ? quand je devrais passer pour imprudent, je le suis plus qu’eux. (2Cor. 2,21-23)
6. Ah ! voyez ici, mon cher frère, combien est grande la vertu de l’Apôtre ; déjà il avait qualifié et d’imprudentes les louanges qu’il s’était données par nécessité, mais peu content de ce premier acte d’humilité, il le renouvelle au moment où il va prouver qu’il surpasse infiniment ses détracteurs. C’est pourquoi, de crainte qu’on ne pense que l’orgueil le fait parler, il veut de nouveau se taxer lui-même d’imprudence. C’est comme s’il disait : Je sais bien que mes paroles en choqueront plusieurs et qu’elles paraîtront étranges dans ma bouche, mais je suis véritablement contraint de parler ; veuillez donc excuser mon imprudence. Ah ! que nous sommes éloignés d’imiter même l’apparence de cette modestie ! Si, malgré tous les péchés dont nous sommes chargés, il nous arrive de faire le moindre bien, nous ne pouvons le tenir caché, dans le trésor de notre cœur, mais nous le divulguons pour obtenir un peu de gloire auprès des hommes ; et, par notre imprudente vanité, nous nous privons des récompensés célestes. Ce n’est pas ainsi qu’agissait l’Apôtre : il avoue d’abord qu’il est imprudent en disant qu’ il est plus qu’eux ministres de Jésus-Christ ; et puis il aborde les vertus et les mérites que ne pouvaient montrer ces faux apôtres.
Eh ! faut-il s’en étonner ? Ils ne savaient que combattre la vérité, s’opposer aux progrès de l’Évangile et corrompre les esprits simples et faciles. C’est pourquoi, après avoir dit : Je suis plus qu’eux ministres de Jésus-Christ, il énumère les éclatantes preuves de sa vertu et de son courage. J’ai essuyé, dit-il, plus de travaux, j’ai reçu plus de coups, et je me suis vu plus souvent comme mort. (2Cor. 11,23) Que dites-vous, ô grand Apôtre ! Et cette dernière parole n’est-elle pas un vrai paradoxe ? Car, est-il possible de mourir plusieurs fois ? Oui, cela est possible, me répondez-vous ; non, en réalité, mais par le désir et la résolution. Puis il nous apprend comment il a bravé mille fois la mort pour la prédication de l’Évangile, et comment, pour l’utilité des fidèles, le Seigneur en a délivré son invincible athlète. Je me suis vu souvent comme mort, j’ai reçu des juifs, jusqu’à cinq fois, trente-neuf coups de fouet, j’ai été battu de verges par trois fois, j’ai été lapidé une fois, j’ai fait naufrage une fois, j’ai passé un jour et une nuit au fond de la mer ; souvent, j’ai été, dans les voyages, en péril sur les fleuves, en péril parmi les voleurs et au milieu des miens, en péril parmi les païens et parmi les faux frères, en péril dans les villes, dans les déserts et sur la mer. (2Cor. 11,24, 26)
Ne passons point légèrement sur ces diverses circonstances, car chacune nous révèle comme un abîme de souffrances. Et, en effet, l’Apôtre ne dit pas, seulement qu’il a été une fois en péril dans un seul voyage, mais que plusieurs fois il a couru mille dangers sur les fleuves, et que toujours il, y a déployé la plus grande fermeté. Enfin, il conclut son récit par ces paroles : J’ai été dans les travaux et les chagrins, souvent dans les veilles, dans la faim et la soif, dans les jeûnes, dans le froid et la nudité, et, en outre, j’ai les maux qui me viennent du dehors. (2Cor. 11,27)
7. Sondez donc, si vous le pouvez, ce second abîme de souffrances, car en disant en outre, j’ai les maux qui me viennent du dehors, il nous fait entendre que ses tribulations ont été plus grandes et plus nombreuses qu’il ne l’avoue. Cependant il veut bien nous révéler quelques-unes des adversités et des conspirations auxquelles il a été exposé, en nous parlant de l’accablement quotidien où le retenait Ia sollicitude de toutes les églises. Ce zèle seul serait bien suffisant pour nous faire comprendre tout l’héroïsme de sa vertu ; car j’ai, dit-il, la sollicitude, non d’une, de deux, ou de trois églises, mais de toutes celles qui sont répandues